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Demande à la poussière

De John FANTE

Chroniqué par Léo
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Cela faisait longtemps que l’on me recommandait de lire John Fante, et j’ai bien fait de m’en laisser convaincre. « Demande à la poussière » et donc ma première lecture de l’auteur et si tous les autres livres de John Fante sont de la même trempe alors je crois que je lirai jusqu’au dernier mot écrit par cet auteur. 

 

Dans cet ouvrage, on suit les vicissitudes d’Arturo Bandini, auteur pris dans le grand huit des émotions, entre doutes castrateurs qui fait jeter toute production écrite à la poubelle en se disant que jamais il ne sera permis de sortir quelque chose de potable, et cette toute-puissance presque divine qui peut propulser l’égo de l’auteur-Créateur jusqu’à l’assurance d’être le prochain phénomène mondial de la littérature. 

 

Et je recommande un passage totalement incroyable ou l’auteur pour être lu au sein de son hôtel va mettre en place toute une série de stratégies qui mérite vraiment le détour, je ne vous dis que ça. 

 

C’est aussi l’histoire d’un homme cruel et totalement incapable d’avoir confiance en lui dans son approche de la gent féminine, et c’est une relation d’amour-haine qu’Arturo Bandini va développer le long de l’ouvrage avec Camilla Lopez. Une relation troublante dans laquelle plus l’amour d’Arturo va grandir, plus celui de Camilla va se déliter et s’autodétruire… une relation aussi puissante qu’empoisonnée, presque hypnotique tant elle révèle toute la faiblesse des êtres seuls, prêts à tout pour ne plus l’être. 

 

C’est aussi un livre qui parle d’immigration, Arturo est immigré italien et va reconduire au regard des autres populations le même regard empreint de mépris, comme ce va être le cas avec Camilla qui est d’origine mexicaine. On se dit d’ailleurs en lisant tout cela que l’on ne pourrait plus écrire de telle chose de nos jours. En lisant ce livre, on lit assurément une époque révolue, et en tant qu’auteur une réflexion qui laisse perplexe sur le champ des possibles à l’heure de toutes les crispations sociétales que l’on connait. 

 

De nos jours, car John Fante s’inscrit dans cette littérature américaine issue de la Beat Generation, libre et crue, au point même que Buchowski a réalisé la préface de « Demande à la poussière » exprimant toute l’influence qu’a eu John Fante dans sa propre créativité. 

 

C’est aussi un grand livre car c’est un livre qui parle avec authenticité d’une grande ville, Los Angeles, avec les mots qui lui donnent incroyablement vie. C’est aussi dans le livre une ode à la Californie, colosse aux pieds d’argiles, épicentre de toutes les attentions et influences, mais surtout victime des plus grandes catastrophes, notamment sismique qui offre plusieurs pages au cœur du traumatisme décrit avec beaucoup d’émotion par l’auteur. 

 

C’est très bien écrit, politiquement incorrect, largement poétique et sensible, intensément dramatique, terriblement pathétique car humain. De l’envie à la colère en passant par tous les péchés capitaux, les protagonistes du livre s’en donnent à cœur joie dans leurs plus vils travers. De frictions en fractures sociétales, un nuage de poussière s’est amoncelé dans ma lecture ahurie, jusque contemplative à la fermeture d’un livre qui fait partie de mes incontournables lectures.  

 

 


Publié le 10/09/2024
Commentaires
Publié le 10/09/2024
Comme c'est rare de rencontrer après des années de lecture l'effet que tu décris. Merci pour cette revue fraîche et enthousiaste: ça donne envie de le lire car d'emblée, je sais que le style ne me laissera pas indifférente. En revanche, ça risque d'être quitte ou double de mon côté selon l'humeur mais c'est dans ma PAL.
Publié le 11/09/2024
C'est dingue car c'est ce que je me disais en attendant ton passage et je crois aussi te concernant que ce sera à double tranchant. Ta chronique sur Jack Kerouac l'exprime déjà très bien. Il y a dans lees auteurs de la Beat Génération une telle insouciance et liberté de ton, et bien souvent beaucoup de provocations, que ça ne peut pas laisser indifférent, et encore moins remporter tous les suffrages. N'empêche que je me dis, même si je partage peu de très nombreuses idées de cette époque, que ces ouvrages font partie de l'âge d'or de la littérature, ou l'artiste-auteur avait quoi qu'il en soit son dernier mot, qu'il plaise ou déplaise.
Publié le 12/09/2024
Hello! J'en suis à peu près au tiers de l'écoute. Le style de cet auteur est un alcool fort et je crois que ce livre pourrait tenir uniquement rien qu'à avec le style. Un chef d'oeuvre méconnu pour moi, jusqu'à ta chronique comme beaucoup de chef d'oeuvres pour ma part... ^^ Alors, ce que je ressens à ce stade. Note de tête: plus que le côté clochard céleste chez le personnage de Bandini je vois le côté "man i am beat!" parce que ce n'est pas Allen Ginsberg non plus, je n’imagine pas le héros lire William Blake, je le trouve trop matérialiste pour être céleste ou trop fauché pour pouvoir l'être: va savoir, après tout je n'ai pas fini ce livre et c'est le seul que je lis pour l'instant de l'auteur. Il manque de l’espoir. Bref, ambiance « beat », clochard ok, céleste moins. Note de coeur: le style, la ville, les personnages: c'est immersif, on est à L.A dans le même espace temps que Bandini. C’est tellement immersif que ça donne d'ailleurs envie de faire réagir Camilla mais ça abrègerait l’histoire: j'ai pensé à divers moyens; elle pourrait par exemple envoyer un seau d'eau froide avec la complicité de son patron sur la tête de Bandini, simple mais radical/ un coup de chaussures dans la gueule (comme ça il les verrait de plus près puisqu’il les trouve moches)/ une réplique en miroir du même niveau que les siennes «  je ne parle qu’aux mecs qui peuvent m’acheter une paire neuve » qui aurait fait bien mal étant donné qu'il ne travaille pas et dépend de l'argent de sa mère. Bref, à ce stade le narrateur m’a déjà bien énervée. Note de fond: pour l'instant je préfère la note de fond que je sens chez Kerouac mais pas dans ce livre, il manque la route elle-même, le mouvement, les grands espaces, la tension entre camaraderie et solitude (Bandini me semble effroyablement seul, je trouve qu’il ne joue pas en équipe, ça correspond un peu à définition du pauvre type malheureux), il me manque le chaos de la route dans l’écriture, enfin dans l’esprit je préfère le goût de la performance sportive (non pas la reconnaissance littéraire). J’aime chez Kerouac les paris stupides et cette manière d’écrire comme on pratiquerait un sport mécanique en restant fixé sur le temps (-3 semaines), enfin je reste accrochée au caractère solaire de Dean +++ que je trouve fascinant et au goût de la vitesse et de l’aventure alors que chez Bandini je vois seulement l’envie de parvenir et un ego fragile. Mais comme on ne peut être amis qu'entre égaux, forcément en grandissant il y a quelque chose qui m'a éloignée de l’écriture de Kerouac dans sa façon de considérer le monde. Raison pour laquelle, je préfère la compagnie des voyageuses: je reçois mieux leurs écrits une fois adulte. La seule chose que je regrette dans Sur la Route, c'est d'être off the road quand je lis des années après mais je pense que tu avais bien compris. Je suis seulement frustrée de ne pouvoir m’identifier qu’à des seconds rôles un peu nuls dont je ne voudrais pas dans la vraie vie.
Publié le 12/09/2024
Les deux tiers restant vont renverser pas mal de choses. Merci pour ton si complet retour. Oui je suis d'accord pour les clochards célestes. Je viens d'enchaîner sur du Buckowski histoire de rester dans le thème des meilleurs écrivains du pire et j'enchainerai ensuite sur "Tendre jeudi" de Steinbeck" qui est l'un de mes auteurs préféré et peut-être même mon auteur préféré. Je vais mettre Kerouac sur ma "liste des livres à m'offrir" pour mes proches à Noel car sa lecture me semble désormais et grâce à toi inéluctable.
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