Le genre: littérature du voyage, littérature "fragmentaire".
J'aime: facile à lire parce que vous prenez le livre où vous voulez et vous pouvez rêver à côté comme vous souhaitez. Vous pouvez donc voyager longtemps sans décoller de chez vous comme pour La Prose du Transsibérien. Il suffit de vous laisser bercer par le rythme.
Composition: le fil conducteur de ces fragments est assuré par des lieux interlopes: les môles des raffineries de pétrole dans la nuit, le limon des cuisines marines, le passage de la frontière (le Fellah du Mexique), scènes de rue New-Yorkaise, etc. Chacun de ces lieux possèdent un rythme.
En bref, que nous montre l'ami Kerouac?
Il fait voir l'envers du rêve américain.
Si c'était une chanson/un film: Walk on the wild side comme dans la chanson de Lou Reed/ Macadam Cow Boy pour un film.
La veine littéraire: je dirais "réaliste" si montrer la "boue du chemin sur la route" c'est faire oeuvre de réalisme. Dans tous les cas, montrer l'envers du décor c'est plutôt révéler une réalité violente et moche mais elle se veut "vraie".
Enjeu pour vous:
Le personnage du vagabond solitaire pousse la quête de liberté jusqu'à l'extrême: sa posture interroge: jusqu'où l'accompagnerez-vous? Dans quelle mesure cela vaut-il le coup d'être libre à ce point? Vivre sans attache? Mais que faire de l'amitié si l'on vit sans attache? Quel différence entre un ami et un compagnon de route? Faut-il partir en renonçant à toute propriété ? N'est-ce pas de la destruction à l'état pur?
Les limites: j'ai relu ce livre des années après et j'ai trouvé que les filles tenaient plutôt un mauvais rôle comme dans Sur La Route. Elles tombent enceintes sans le vouloir, se prostituent ou sont abandonnées et malheureuses. Alors, la liberté de voyager seule est-elle réservée aux hommes chez Kerouac? Comment voyager seule quand on est petite blonde et aventureuse? Je me suis posée la question mais Katia Astafieff y a répondu par son livre.
Mon regret: ne pas avoir découvert Alexandra David Néel et Ella Maillart auparavant, notamment "Cette réalité que j'ai pourchassée", le recueil de lettres adressées à ses parents qui montre que l'on peut être libre de ses mouvements en respectant les autres et sans abandonner tout le monde comme le fait Kerouac. J'ai préféré la compagnie de ces voyageuses à celle de Kerouac un peu trop macho à mon goût.
La Préface de l'auteur à la demande de l'éditeur donne un aperçu de la liberté du personnage qui rééllement s'en fiche de sa Préface, il répond aux éléments qu'on lui donne de manière sommaire:
- "MARIÉ: Nâân".
Extrait de Fellah du Mexique : le style est cahotique, la ponctuation surprenante et la frappe... au kilomètre, on a l'impression de passer la frontière mexicaine avec le vagabond solitaire:
"Enrique, mon guide et mon copain, qui ne peut pas prononcer les "h", il fait des "k"- parce que sa nativité n'a pas été enterrée dans le nom espagnol de Vera Cruz, sa ville à lui, mais dans la langue mixtecane.
- Dans les bus qui cahotaient éternellement, il ne cessait de me hurler: "HKOT"? "HKOT"? Enfin... Caliente. Compris? ".
En somme, si vous aimez une écriture chaotique, des rencontres de voyage surprenantes, vous tenez peut-être une bonne piste pour vos soirées lecture.