Anatomie comparée

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En regardant au loin, c’était le gros orteil,

La phalange distincte et ses autres comparses.

J’en sentais chaque corps et chaque ongle pareil

Et sentais les métas se rattacher aux tarses.

 

En montant doucement le long du tibia,

La fibula fixée à lui comme une agrafe

Laissait songer au tronc d’un maigre séquoia

Ou le fémur immense atteignant la girafe.

 

Puis ce fut la colonne entamant le coccyx

Après un long sacrum aux pendants iliaques,

Puis ce fut deux et trois et quatre et cinq et six

Et vingt-quatre autres pics, pointus, démoniaques!

 

Car sans m’en rendre compte, apposé sur l’atlas,

En comptant et montant, j’avais atteins le crâne.

La mandibule ouverte et le frontal, hélas,

Présentaient, oh, surprise, un cri sans filigrane.

 

Et je redescendis, les yeux plein d’embarras

Le long de ce long cou : scapula, clavicule…

Quand soudain l’humérus précédant l’avant-bras

S’entre-ouvrit au besoin tel un grand tentacule.

 

De la main je ne vis que ce métacarpien

Plongeant dans ses métas mais frôlant la phalange :

Les doigts étaient blanchis pareil à l’olympien,

Rongés d’anxiété devant tout ce mélange.

 

Car j’avais contre moi, nonobstant le sternum,

Un thorax étendu : nous étions, côte à côte,

Bassin contre bassin, couvert de sodium,

Un seul corps écorché qui lentement sursaute…

 

 


Publié le 10/10/2024 / 37 lectures
Commentaires
Publié le 10/10/2024
Voilà qui rend l'anatomie plus poétique qu'une séance de dissection...
Publié le 11/10/2024
Notre squelette est notre for intérieur, il est beau.
Publié le 12/10/2024
Hey Salut Perthro, c'est excellent et tu chantes très bien : lorsque la poésie s'unit au talent et à la maîtrise de l'interprétation, on se dit qu'absolument tout est possible. Une très belle surprise. Et cette idée de traversée du corps avec l'émotion qui se mue sensation c'est vraiment très bien vu. A plus tard.
Publié le 12/10/2024
Bonjour Léo et merci! Je me suis en effet mis à interpréter mes textes il y a quelques années. J'aime à les rendre plus vivants. Malheureusement, c'est la seule chanson que j'ai posté sur Youtube, toutes les autres sont sur Soundcloud... Je ne me dévoilerai donc pas trop!
Publié le 12/10/2024
Depuis ton changement d'état, as-tu perdu ton studio d'enregistrement? Sinon ce sera un plaisir de t'écouter même si rien n'oblige à te dévoiler. Peut-être à bientôt. :-)
Publié le 12/10/2024
En vérité, j'ai commencé à enregistrer depuis mon changement d'état. Mais d'autres changements ont eu lieu, ce qui est inspirant.
Publié le 26/05/2025
Merci pour ce texte à la fois fort et déroutant, où l’anatomie devient matière poétique, et le corps, terrain d’une traversée sensorielle et existentielle. De l’orteil au crâne, puis du crâne au thorax, ce poème compose une ascension presque mystique avant de retomber dans une fusion ambiguë — entre désir, malaise et désincarnation. J’ai été particulièrement touché par cette manière de faire dialoguer le lexique médical et l’intimité charnelle, dans un équilibre rare entre précision clinique et vertige symbolique. Votre texte entre en résonance profonde avec certains motifs que j’explore dans mes propres recherches littéraires, notamment autour du regard porté sur les corps, vivants ou morts, désirés ou disséqués. Merci encore pour ce partage. Il m’accompagnera longtemps. Amicalement, David Pareÿt, auteur augmenté à voix littéraires multiples et essayiste indépendant.
Publié le 26/05/2025
Merci pour votre commentaire. Il est vrai que j'ai apprécié disséquer ce corps osseux et charnel et le partager avec vous!
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