Comme un lego
C’est un amas de poutres d’acier, d’échelles et de silhouettes en équilibre. Du manœuvre au contremaître, tous exécutent mille gestes sous le soleil, dans la pluie et le vent, comme aux temps des bâtisseurs de cathédrales.
Un vieil homme observe jusqu’en ses moindres détails cet ouvrage formidable, ainsi qu’au travers d’un judas et il découvre un tableau terrible et captivant. Jour après jour il regarde s’élever toujours plus haut dans le ciel cet ouvrage qui perce les nuages comme une île jaillissante au milieu de l’océan.
Il entend les ouvriers s’épuiser au travail, il perçoit nettement le grondement sourd des grues en mouvement, les marteaux qui résonnent, les clés qui serrent des boulons.
Il regarde l’étrange ballet des ouvriers danser ensemble, échanger des pièces monstrueuses dans le ciel avec des gestes rigoureux, sans soucis du lendemain. Il les voit affronter le vide à l’heure de la pause, assis sur une poutrelle avec leur casse-croûte.
Il ressent la force décuplée des hommes dans l’entreprise quand ils se donnent la main et la faiblesse des machines.
Il sait que de la haut la terre est plus ronde et les villes toutes semblables, vêtues de toits rouges ou gris,
Comme un lego de tuiles.
Et lui la tête en l’air au pied de cet édifice plus élevé qu’une montagne, rêve d’en être, pour s’asseoir et balancer ses jambes dans le vide, pour voir le monde de haut, comme un oiseau dans le ciel, pour contempler le coucher du soleil et enfin, dans le silence, découvrir au sol ces petits sujets qui bougent et qui sont des gens dans le bruit de la ville.
Qui a imaginé ce projet grandiose et merveilleux, fait de poutres, de jambages et d’échelles ?