Extrait "Max au Magidéal", conte fantaisiste

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... Max ouvrit une porte percée à même le tronc de l’arbre qui donnait dans un ascenseur et ordonna :

Destination base des astrobulles.

En quelques secondes, il fut au sommet de l’une des tours droites du château. Les quatre tours étaient recouvertes d’un dôme translucide en astroplastique et abritaient chacune une base de départ et d’arrivée d’un moyen de transport : une pour les astrobulles, une pour les trotovolantes et les deux autres pour les astrofusées. Les parents de Max achetaient des fusées et les louaient aux Magidéaux aisés qui voulaient se déplacer vite et loin. On les reconnaissait facilement à leurs motifs colorés et géométriques, comme celle qui emmène Tintin sur la lune, et quand elles s’immobilisaient, pointe vers le haut, et qu’elles tournaient sur elles-mêmes à la manière d’une toupie pour chercher leur direction. Le père de Max lui avait raconté qu’il n’y avait pas si longtemps, elles étaient encore prises pour des ovnis. Max sortit de l’ascenseur et secoua le chef de la base qui ronflait comme une locomotive, couché sur son fauteuil en face de ses écrans de surveillance. Avec son visage tout rond, sa longue et fine moustache et ses petits yeux cerclés d’une paire de lunettes, il avait tout à fait une tête de loutre.

Oh ! Oh ! Que se passe-t-il ? Est-ce la fin du monde ? Vite ! Fuyons, dit-il en gesticulant et en se levant d’un bond.

Emmène-moi faire une promenade en astrobulle Balochef, s’il te plaît, j’en ai assez de jouer tout seul.

Le chef de base, tout honteux d’avoir été surpris à dormir, s’exécuta sans poser de questions. Ils entrèrent dans une astrobulle par une petite porte ronde que l’homme fit verrouiller derrière eux d’un seul ordre vocal. Il appuya ensuite sur un gros bouton vert et commanda :

– Survol d’Idéaleville au Magidéal.

L’engin s’éleva doucement dans les airs. Le visage de Max s’illumina d’un long sourire tandis qu’il ouvrait ses yeux noisette tout grands. Il reconnaissait les quartiers pour les avoir déjà survolés avec ses parents. D’abord, au centre de la ville, il y avait le sien, le quartier des Riches-méritants. C’est ainsi qu’on l’appelait au Magidéal. « C’est parce que ses habitants travaillent beaucoup et gagnent beaucoup d’argent »,  lui avaient expliqué les adultes. On y trouvait tous les châteaux bâtis dans des arbres, plus ou moins grands et plus ou moins beaux. On pouvait être riche et n’avoir aucun goût esthétique. Des châteaux fabuleux jouxtaient d’autres bâtisses de très mauvais goût. Les autres quartiers étaient situés dans des cercles concentriques tout autour, sans ordre précis. Un ex-Roioriginal avait décidé que tous les mots caractérisant une activité humaine devaient commencer par une majuscule. Max aperçut les quartiers des Médecins, ceux des Médiévistes, des Barmans, des Boulangers, des Plombiers, des Polyglottes, des Nourrices, des Nyctalopes, celui des Personnes de taille géante dans lequel les maisons étaient beaucoup plus grandes forcément, celui des Personnes de petite taille, où les maisons étaient plus petites évidemment, mais elles l’étaient encore plus dans le quartier des Personnes minuscules. Du ciel, Max avait l’impression d’apercevoir un village de poupées. Il y avait aussi les quartiers des Personnes malvoyantes, malentendantes, mal en point, maladroites, ou encore ceux des Papillonneurs, des Paresseux, des Perspicaces, des Chatouilleux, des Coléreux, des Romantiques, des Personnes du troisième âge, des Personnes du quatrième âge, des Personnes du cinquième âge, des Personnes du sixième âge, des Personnes du septième âge, des Orphelins, des Demandeurs d’emploi, des Demandeurs d’asile, des Demandeurs de plaisir, des Demandeurs de loisirs, des Demandeurs du chérir, des Pauvres-assistés, des Croyants en Dieu, des Douteurs de l’existence de Dieu, des Pas croyants du tout, des Sorciopsychovoles, des Roimages et des Magiciens, des Enchanteurs et des Féerisques, des Tous-mélangés et bien d’autres encore.

Le quartier des Foldingues, c’était celui où les gens avaient le droit de faire tout ce qui leur passait par la tête du moment qu’ils ne causaient aucun mal à leurs voisins. Max aurait bien aimé y aller. C’était un peu comme si vous alliez au cirque pour n’y voir que des clowns. Ses parents trouvaient que ça n’était pas sérieux.

Au Magidéal, chacun pouvait normalement choisir son quartier, mais on voyait rarement un Aveugle habiter au milieu des Géants ou un Pauvre-assisté au milieu des Riches-méritants. C’était autorisé en tout cas parce que le Magidéal se voulait un pays libéral. Chacun avait le droit de créer un nouveau quartier à condition de trouver encore de la place, et ça devenait compliqué. Imaginez par exemple que vous étiez un Géant-Noir-Professeur d’histoire-Écrivain, vous aviez le choix entre quatre quartiers. Si en plus, vous collectionniez les timbres, pratiquiez l’équitation et l’escrime, vous pouviez en ajouter trois. Il ne restait plus qu’à espérer que votre compagne ne fût pas une Personne-de-taille-minuscule-Blanche-Architecte, passionnée par la spéléologie, l’astronomie et le patinage, parce que s’additionnaient six quartiers d’un seul coup. Les désaccords sur le lieu final d’emménagement entraînaient bien des disputes qui pouvaient aller parfois jusqu’à la séparation définitive. Des Magidéaux courageux ou instables déménageaient souvent et essayaient tous les quartiers avant de se décider...


Publié le 04/12/2025 / 2 lectures
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