L’ombre et moi

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Il y a eu dans ma vie des choses qui n’auraient jamais dû exister. Pas des maladresses, pas des erreurs, mais des violences, des abus. Des gestes imposés, des actes qui ont volé des parts de moi sans que j’aie les mots pour me défendre. Ce sont ces actes-là qui m’ont brisée, pas ma manière de ressentir le monde. Ce n’est pas mon hypersensibilité qui a ouvert les fissures. Ce sont ces violences. Elles ont laissé des traces profondes, durables, qui ne disparaissent pas avec le temps simplement parce qu’on le souhaite.
On entend souvent que les blessures s’effacent, que les années diluent la douleur. C’est faux. Certaines douleurs restent. Elles changent de forme, elles s’adoucissent parfois, elles se réveillent sans prévenir. Elles deviennent une compagnie dont on se passerait volontiers, mais qu’on finit par apprendre à connaître. Je ne suis pas fragile par nature. Je suis marquée par ce qu’on m’a fait subir. Et l’hypersensibilité n’a rien arrangé. Elle a juste amplifié le bruit de ce qui a été arraché.
Je ressens tout trop fort. Les souvenirs. Les peurs. Les vibrations de ce qui a mal commencé. Une parole un peu dure peut me transpercer. Un silence peut ouvrir en moi des portes que je croyais verrouillées. Je ne suis pas défaillante. Je suis une femme blessée qui ressent profondément, et cette profondeur rend les cicatrices plus présentes, plus vivantes. Ce n’est pas moi qui ai brisé le verre. Je tente seulement d’avancer parmi les éclats sans me déchirer davantage.


C’est pour ça que j’ai besoin d’être rassurée. Pas comme quelqu’un qui réclame. Comme quelqu’un à qui on a retiré la sécurité trop tôt. Je cherche des présences qui ne fuient pas au premier souffle de nuit. J’ai besoin d’entendre que je suis en sécurité. Besoin qu’on me regarde sans crainte de mes ombres. Et j’ai besoin d’amour. Pas un amour grandiloquent ou compliqué. Un amour simple, qui dit sans le dire que je peux exister sans trembler. Cet amour là me rassure. Il me ramène sur terre quand mes peurs s’ouvrent trop grand. Il m’aide à respirer quand mes souvenirs reviennent trop fort.
Et c’est aussi pour ça que j’ai besoin de sentir un retour, même sur les réseaux. Une preuve que mes mots touchent quelqu’un, que je ne parle pas dans le vide. Ça me rassure. Ça m’apaise. Ça me rappelle que je compte encore, que je peux être entendue, vue, aimée un peu, même à distance. Ce besoin n’est pas un caprice. C’est une conséquence de ce que j’ai traversé.

Je ne suis pas guérie et ce n’est pas un aveu de faiblesse. C’est simplement la réalité. Certaines blessures ne se referment jamais vraiment. Elles ne disparaissent pas. Elles apprennent seulement à vivre avec nous, à se faire assez discrètes pour qu’on puisse continuer, à se recoudre par endroits sans redevenir un tissu intact. Elles laissent passer un peu de lumière, oui, mais elles restent là, profondes, anciennes, ancrées.
Pour eux, tout s’est terminé le jour où ils ont arrêté. Leur violence a pris fin. Pas ma douleur. Moi, je vis avec les conséquences. Eux ont tourné la page sans même regarder en arrière. Ils dorment. Ils mangent. Ils vivent. Et moi, je porte encore les résonances de ce qu’ils ont fait. Je vis avec une peine qu’ils ne voient pas, qu’ils ne réalisent même pas, une peine qui continue de respirer dans ma poitrine alors que, pour eux, tout est terminé depuis longtemps.
C’est ça, l’injustice invisible. Leur acte a eu une fin.
Ma blessure, elle, m’accompagnera toute ma vie.


Je suis fragile, oui, parce que ce que j’ai vécu a laissé en moi des marques profondes. Mais je suis aussi une femme forte, une femme qui a traversé ce qu’elle n’aurait jamais dû connaître. Je suis encore là malgré les abus et même quand je tombe je finis toujours par me relever, parfois lentement, parfois avec les genoux qui tremblent, mais debout quand même. Je cherche encore la douceur, j’avance vers elle même quand mes cicatrices me tirent en arrière. Je sais ouvrir la main, offrir de la tendresse, recevoir un peu d’amour sans tout déformer. Et j’essaie, chaque jour, de croire que l’on peut m’aimer pour ce que je suis vraiment, sans me réduire aux éclats de mon passé.
Je ne suis pas responsable de ce qui m’est arrivé. Je n’ai jamais été la coupable.
Je suis la preuve que malgré tout, on peut rester debout.


Publié le 27/11/2025 / 22 lectures
Commentaires
Publié le 27/11/2025
Des mots durs, parfois difficiles à lire et à entendre, mais des mots très beaux, très vrais. Des mots qui mettent l’âme à nu. Jacques Brel chantait : « On n’oublie rien de rien On n’oublie rien du tout On n’oublie rien de rien On s’habitue c’est tout » Nous avons tous nos fêlures, nos côtés obscurs et nous essayons à tâtons de vivre avec. Et surtout, vivez, écrivez
Publié le 27/11/2025
Se livrer demande une force immense. Trouver les mots, oser les dire, affronter ce qui pèse à l’intérieur… c’est un pas courageux, un pas vers soi. Tu l’as fait, et c’est admirable. Même sans avoir vécu la même chose, il est possible de reconnaître la beauté de ce geste. Ouvrir son cœur, c’est déjà commencer à guérir. C’est une victoire silencieuse, mais profonde. Tu peux être fier de toi. Ce que tu as partagé n’est pas anodin : c’est une preuve de confiance, de sincérité, de lumière. Et dans ce moment de vérité, il y a toute la force d’une âme qui avance, qui se relève, qui grandit. Bravos ma tite fée Bisous💕
Publié le 27/11/2025
Merci Mary. C’est un vrai travail sur moi. Il y a encore un an, je n’aurais rien partagé : trop de honte, trop de peur… Mais ma psy, que j’adore me pousse à écrire pour évacuer, et ça fonctionne. J’ai des tonnes de textes et peut-être qu’un jour, je partagerai des choses encore plus profondes, plus intimes. Pour l’instant, j’avance à tâtons… Tu es une princesse, avec une douceur infinie. 😉🩷
Publié le 28/11/2025
Je connais pas ton histoire mais j'ai les larmes aux yeux. Tu n'es pas seule et ton courage est inspirant, ton texte émouvant. Écrire fait tellement de bien et permet de se connaître, se dépasser et aller de l'avant, d'être plus fort.e.
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