Il y a l’écriture, d’abord. Celle qui déborde quand tout s’accumule, celle qui met de l’ordre quand l’intérieur tangue. Les mots arrivent parfois en vrac, parfois doucement, mais toujours pour éviter que tout reste coincé à l’intérieur. Écrire, ce n’est pas faire joli. C’est respirer. C’est survivre parfois. C’est dire sans avoir à se justifier.
Et puis il y a ma psy. Pas une évidence au départ, mais une nécessité devenue précieuse. Un espace à moi, un rendez-vous régulier avec ce qui fait mal, ce qui fatigue, ce qui revient sans cesse. J’y vais pour aller mieux. Pas parce que je suis faible, pas parce que je suis cassée, mais parce que je refuse de continuer à faire semblant. Consulter, ce n’est pas abandonner. C’est prendre soin. C’est choisir de se comprendre plutôt que de sombrer.
On oublie trop souvent que l’on va consulter aussi à cause des autres. À cause de ceux qui blessent sans se remettre en question. À cause de ceux qui projettent, qui écrasent, qui minimisent. À cause de relations qui laissent des traces invisibles mais profondes. Et pourtant, ce sont parfois ces mêmes personnes qui traitent de faibles ceux qui osent demander de l’aide. Comme si reconnaître une souffrance était un défaut. Comme si aller mieux était une faute.
Si on se casse une jambe, personne ne dira de continuer à marcher sans béquilles. Personne ne remettra en cause le fait d’aller consulter, de prendre du temps pour guérir. La douleur psychique mérite exactement la même considération. Elle ne se voit pas toujours, mais elle pèse. Elle épuise. Elle fait boiter de l’intérieur. Refuser de la regarder ne la fait pas disparaître.
La santé mentale n’est pas un luxe, ni un sujet secondaire. C’est ce qui permet de tenir debout quand le monde devient trop bruyant, trop dur, trop rapide. C’est ce qui permet de continuer à avancer quand tout semble figé. Il y a des jours où ça va, d’autres où ça vacille. Et c’est normal. On ne peut pas être fort tout le temps, ni aller bien sur commande.
Les vraies fragilités ne sont pas chez ceux qui consultent. Elles sont souvent chez ceux qui se croient au-dessus de tout, qui ne doutent jamais, qui refusent de se regarder en face. Se penser intouchable n’est pas une force. C’est souvent une fuite. La force, la vraie, c’est d’oser s’arrêter, comprendre, réparer autrement.
Et puis il y a vous. Ceux qui lisent, ceux qui ressentent, ceux qui répondent, ceux qui restent là, même en silence. Cette présence compte. Elle rappelle que l’on n’écrit pas complètement dans le vide. Qu’on est relié. Que même hypersensible, parfois cabossée, parfois trop intense, on a le droit d’exister tel·le que l’on est.
Ce n’est pas une recette miracle. C’est un équilibre fragile. Un mélange d’écriture, de soins, de conscience, de liens, de patience envers soi-même. Certains jours, ça tient mieux que d’autres. Mais ça tient. Et parfois, tenir, c’est déjà immense.
Prendre soin de soi n’est pas un aveu d’échec.
C’est un acte de courage.
Et ça, personne ne devrait jamais en avoir honte.