Le subconscient, la caisse enregistreuse
Le subconscient est une drôle de machine.
Une caisse enregistreuse du corps, qui ne sommeille jamais. Elle scanne la journée sans qu’on s’en rende compte : une parole retenue, un regard fuyant, un détail apparemment sans importance. Puis, quand la nuit tombe, elle recompte tout, fait les totaux, corrige les erreurs et imprime le ticket de caisse du jour : nos rêves.
La nuit dernière, la mienne s’est mise à parler espagnol. J’étais au Pérou ou dans un Pérou inventé entre favelles et grands chapeaux, poussière d’or et lumière oblique.
Je me suis souvenu de l’expression : ce n’est pas le Pérou autrement dit : ce ne sera pas la joie.
Le message était clair : la journée de mardi ne s’annonçait pas paradisiaque.
Et dans ce même rêve, ma pharmacienne, radieuse, m’offrait une boîte de Nurofen.
Pas vendue : offerte. Un cadeau du ciel.
Je me suis réveillé avec un mal de tête carabiné, le rêve avait donc vu juste.
Le programme du matin tenait du vaudeville :
Rendez-vous à 9 h 30 avec un monsieur de la mairie chargé d’hygiène et de sécurité, deux dames coproprietaires (plus une troisième en renfort), et, en parallèle, la livraison de vingt kilos de farine. Et oui je suis aussi boulanger chez moi.
Un mardi lunaire, dans tous les sens du terme.
La visite de l'immeuble se passe sans encombres et ce Monsieur me dit qu'il n'y a pas besoin d'être technicien pour voir les problèmes de l'immeuble.
Les deux dames, fortes en caractère, m’accueillirent comme un collégien pris en faute. L’une d’elles, ancienne professeure, me reprenait presque sur la ponctuation de mes phrases.
Je les avais pourtant prévenues : « Pas de bavardages personnels, restons concrets. »
Mais la nature bavarde revient toujours au galop.
Alors, calmement, j’ai repris la main :
— Madame, M. de la mairie est là pour constater, pas pour philosopher. Concentrons-nous sur la ventilation et la sécurité.
Et soudain, tout s’est apaisé. Même le monsieur de la mairie m’a jeté un regard reconnaissant.
Le verdict fut sans appel : l’immeuble manque d’air. Une mise en demeure sera envoyée au syndic.
Nous nous sommes séparés dans un courant d’air tiède, et, à peine la porte refermée, la farine arrivait.
Le subconscient avait bien travaillé.
Il m’avait prévenu.
Et ce mardi, sans être le Pérou, fut au moins cohérent : un mélange de poussière, de prémonition et de maux de tête.
Mais quelque part, je me dis que ces rêves-là sont des assistants fidèles.
Ils nous avertissent, nous soignent, parfois mieux qu’une ordonnance.