Impossible de rejoindre le nid. Ils sont là, comme à chaque fois que le soleil pointe le bout de son nez. Celle-ci boit son café, celui-ci baguenaude, arrache quelques mauvaises « herbes ». Enfin bref, ils occupent le terrain. Impossible donc d’atteindre le nid sans dévoiler sa position. Le ver coincé dans mon bec va bien finir par se libérer.
Je les entends piailler, ils ont faim et je suis coincée là comme un imbécile.
Eux, ils ont l’air plutôt indifférents à ma présence. C’est un peu par principe, par habitude, que je tiens à préserver la position du nid secrète. Cela fait déjà plusieurs années que nous nichons dans l’anfractuosité du mur.
Mais il y a l’autre. Beaucoup plus petit, mais plus velu. Et lui, il est aux aguets. Impossible de lui échapper. Il surveille, il scrute. Je l’ai déjà vu dépouiller un nid de tous ses habitants. Pas envie que ma progéniture lui serve de goûter. Étonnamment, avec eux, il n’a rien du prédateur sanguinaire dont toute la faune du lieu a peur. Quel hypocrite. Et vas-y que je ronronne, que je me frotte aux jambes.
Donc je suis là, postée sur la gouttière, et j’attends le moment favorable. Finalement, le ver m’échappe. Je profite de mon bec libéré pour les insulter copieusement.
— Allez-vous-en !
— Rentrez chez vous !
Je ne suis pas seule, mes voisins de nidification font de même. Ils ne comprennent rien. Quelques regards amusés répondent à nos piaillements.
Et puis, de guerre lasse, ils finissent par quitter les lieux. Le chat les suit, la voie est enfin libre. Je me précipite, le deuxième trou après la fenêtre. Ils sont bien là. Ils en rajoutent probablement un peu, comme s’ils mouraient de faim depuis des heures.
C’est décidé, l’année prochaine, je déménage. En même temps, je dis ça chaque année, et je reviens. Peut-être le souvenir de ces couvées écloses ici et parties fonder famille plus loin. Tant que je parviendrai à défendre ce trou, suffisamment haut pour être hors de portée de la bête à poil, je reviendrai chaque printemps.