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Par les petites rues, 3

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-    Je n’ai appartenu véritablement qu’à elle. Et J’ai fonctionné pendant près de trente ans. J’ai travaillé, j’ai essayé d’être le père qu’elle voulait, le mari exemplaire … Pourtant j’étouffais à l’intérieur, vers la quarantaine surtout. Je me sentais à l’étroit et ma vie n’était qu’exécution de gestes. Ça me pesait à l’intérieur.

 

 

À quarante-cinq ans, j’étais un fauve en cage et je ne voulais plus mentir. Parce que je mentais dès le départ. Nous mentons tous. Et cela m’explosa à la gueule. Je me voyais comme un chien en laisse.

 

 

-       Que vouliez-vous ?

 

 

-    Casser mes chaînes. Mais dans la précipitation, je fis tout voler en éclats et je ne sus pas mettre de l’ordre. Je pris un vieux sac à dos, y glissai vite fait quelques affaires et deux bonnes bouteilles et me voilà devant vous, à la rue Geoffroy-Marie. Elle me vit deux ou trois fois, mais c’était déjà fini depuis un moment et nous ne nous connaissions plus. Elle a dû s’établir bien loin et elle a sûrement raison. Je ne suis plus moi.

 

 

-       Vous regrettez votre moi d’alors ? Alors pourquoi ce démantèlement ? 

 

 

-     Je ne sais pas. C’était à la poitrine. Comme un étouffement et une très vieille colère. Je crois. 

 

 

-       Êtes-vous plus heureux aujourd’hui ? 

 

 

-      Non. J’ai moins peur. Je suis indifférent. Enfin, je crois. Oui, j’ai moins peur, de cela, je suis certain. J’étais à l’étroit, vraiment. Et puis, tout était tracé et je m’exécutais. Vers le milieu, je me voyais exécuter les choses. Vers la fin, j’ai fui, je crois. 

 

 

-       Elle est où votre force de reconstruction ?

 

 

-       Je n’ai jamais construit, je pense. Alors reconstruire …

 

 

-       Vous aviez donc besoin de quelqu’un qui vous accompagne pour faire les choses.

 

 

-       C‘est ce que j’avais cru à vingt-cinq ans.

 

 

-       Et ?

 

 

-    Et je ne voulais pas construire. Je ne voulais pas me soumettre au rythme et à la cadence imposés. Je ne voulais ni femme ni enfant. Je voulais être libre.

 

 

-       Si vous l’êtes, c’est que vous avez œuvré pour.

 

 

 -       Non, je ne suis pas libre. Je ne le suis pas.

 

 

-    Qu’envisagez-vous pour votre avenir ? Vous êtes on ne peut plus lucide.

 

  

 

Il se tut. Les minutes passaient. Il regardait le sol comme si la réponse allait venir de là. 

 

 

 

-     Je ne veux pas réfléchir. Je refuse. Il est hors de question de laisser, de nouveau, cette chose prendre possession de ma poitrine et de mon estomac. Cette chose lourde, collante, insupportable, envahissante ... Une nausée fiévreuse et folle contre laquelle je n’avais aucun pouvoir. 

 

 

 

 

 

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Publié le 02/02/2025 / 5 lectures
Commentaires
Publié le 03/02/2025
Le poids et la pression des normes… je trouve le dialogue coupé en deux, avec d’un côté cet homme qui se livre avec franchise et authenticité et de l’autre des questions presque dénuées d’empathie, un brin orientées comme une injonction déguisée à bousculer pour aller de l’avant. Mais quelle temporalité et chronologie y a t il lorsqu’il semble qu’une personne se soit perdue à ce point, presque fuit elle-même, quelle vie peut se nommer ainsi lorsqu’elle ne semble jamais été sienne… d’où cet aveu de non construction. A suivre.
Publié le 03/02/2025
Merci Léo de votre retour. Peut-être que la démarche de l'interlocutrice a pour finalité d'encourager la parole de "l'homme à terre" ... Peut-être. Elle ne saurait être non étudiée. Quelquefois, même au plus bas de soi, s'exprimer, parler de soi, se mettre en avant, malgré toute la difficulté de la situation, a du bon. La parole est toujours libératrice. Amitiés.
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