Une fois connecté à votre compte, vous pouvez laisser un marque-page numérique () et reprendre la lecture où vous vous étiez arrêté lors d'une prochaine connexion en vous rendant dans la partie "Gérer mes lectures", puis "Reprendre ma lecture".
Le nombre est une succession de syllabes réunies dans un petit espace de temps distinct et limité. L’ensemble des nombres d’un vers en forme la cadence,le rhythme.
Il y a dans les nombres d’un vers, comme dans ceux de la prose, des syllabes sonores et des syllabes sourdes, accentuées et non accentuées, des temps forts et des temps faibles.
Les vers français, comme ceux de toutes les langues modernes, exigent certains temps forts, ou, ce qui est la même chose, certains accents.
Une oreille tant soit peu exercée sent le besoin de cette harmonie, bien qu’on en ignore généralement la source.
Nous avons déjà indiqué deux accents nécessaires au vers alexandrin, celui de l’hémistiche et celui de la rime. Il en a encore deux autres, dont la place varie.
Ces nouveaux accents se placent :
Dans le premier hémistiche, sur l’une des quatre premières syllabes ;
Dans le second, sur la septième, la huitième, la neuvième ou la dixième.
Les accents sur la seconde ou la troisième syllabe, sur la huitièmeoulaneuvième, senties plus fréquents : A peine nous sortions des portes deTrézene,
Il était sur son char ses gardes affligés. RAt. L’œit morne maintenant et la tête baissée.
S’éMue à gros bouillons une montagne humide. Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix. Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes. Où la vertu respire un air empoisonné.
Cieux, écoutez ma t)0t’a : ; terre, prête l’oreille. ID. Le rhythme est sensible dans tous ces vers. La mobilité des deux accents que nous pouvons appeler secondaires fait éviter la monotonie qui résulterait de nombres uniformes.
Dans un morceau suivi nous allons retrouver ces divers accidents :
Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux, N’est point tel que l’erreur le figure à nos yeux L’Éternel est son nom ; le monde est son ouvrage : H entend les soupirs de l’humble qu’on outrage, Juge tous les mortels avec d’égales lois,
Et du haut de son trdne interroge les roM
Des plus fermes États la chute épouvantable,
Quand veut, n’estqu’unjeude samain redoutable. RAC. Un vers alexandrin est mal cadencé quand l’accent final (celui de la rime) ; ou l’accent médial (celui de l’hémistiche), sont trop peu marqués ; quan il a plus ou moins de quatre accents, quand deux accents se suivent immédiatement.
Nous avons fait sentir l’importance des accents de l’hémistiche et de la rime dans les chapitres de la césure et de l’enjambement. Nous ne nous occuperons ici que des accents secondaires.
l* L’accentest détruit et le vers mal cadencé quand il y a une suite d’e muets
Vous )e mieux révéler qu’il ne me révèle. CORN. Ce que je vais vous être et ce que je vous suis. h). 2° Un hémistichequi a plus de deux accents étonne l’oreille par sa marche saccadée
Moi-m~me, ArnaMH, ici qui te prêche en ces rimes. BoiL. Calchas, dit-on, prépare un pompeux sacrifice. RAC. Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse. MoL. En général, beaucoup de petits membres de phrase, une accumulation de verbes ou d’épithètes, produisent ce défaut.
3° Quand les accents mobiles sont immédiatement avant l’hémistiche ou avant la rime, en sorte que les deux accents se suivent, ce rapprochement nuit à l’harmonie
Ainsi que.la naissance,.ils.out les.espr~ts.Aas. CoRN. On lit dans la tragédie d’Horace :
Je suisRomaine,bélaslpuisqueHorace,est Romain. CoRN. Il y avait dans la première édition
Je suis Romaine, hélasi puisque mon époufc l’est. Voici encore quelques exemples analogues
Mais si que)que/o !’s,M de forcer les murailles. BonQue me sert, en effet, d’un admirateur fade ? In. Puis chaque canard,prend un bâton par le bout. LA Four. Ciel quel vaste concours ! Agraadissez-vous, temples. [GILBERT.
CADENCE DE LA PÉRIODE. La cadence se fait
sentir non-seulement dans un vers, mais encore dans .une suite de vers. Rien ne serait plus monotone que les alexandrins, si chacun isolément renfermait une idée, ou s’ils tombaient deux ,à deux. L’art consiste à faire disparaitre l’uniformité, en donnant plus ou moins d’étendue à la phrase poétique.
Notre poésie admet les périodes’riches et nombreuses. Racine est le meilleur modèle à suivre pour apprendre à les distribuer
Faut-il le transporter aux plus affreux déserts ? Je suis prête je sais une secrète issue
Par où, sans qu’on le voie, et sans être aperçue, De Cédron avec lui traversant le torrent,
J’irai dans ce désert où jadis en pleurant,
Et cherchant comme nous son salut dans la fuite, David d’un fils rebelle évita !a poursuite.
Voici un autre exemple, qui est également extrait d’~t/mHe
Jéhu, qu’avait choisi sa sagesse profonde,
Jéhu, sur qui je vois que votre espoir se fonde, D’un oubli trop ingrat a payé ses bienfaits
Jéhu laisse d’Achab l’affreuse SUe en paix,
Suit des rois d’Israël les profanes exemples,
Du vil dieu de l’Egypte a conservé les temples,
Jéhu sur les hauts lieux enfin osantoffrir
Un téméraire encens que Dieu ne peut souffrir,
N’a, pour servir sa cause et venger ses injures,
Ni le cœur assez droit, ni les mains assez pures.
Dans les vers à rimes mêlées, il y a un art particulier de prolonger la période d’une manière harmonieuse. On le reconnaît notamment dans Gresset.
Dans les vers entrelacés, dit Marmontel, la rime et la pensée doivent se clore ensemble, si l’on veut que la période poétique soit nombreuse et arrondie. Qui croirait, par exemple, que ces vers fussent d’une pièce rimée :
Il faut encor que mon exemple,
Mieux qu’une stoïque leçon,
T’apprenne à supporter le faix de la vieillesse,
A braver l’injure des ans. Chaulieu.