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Un instant

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Chapitre 1  

Un Instant

J'étais assise dans le bus, serrant mon sac dans mes mains. Je regardais par la fenêtre alors que la pluie battait violemment contre la vitre. Le paysage et la route derrière la vitre défilaient rapidement devant mes yeux, tandis que j'étais plongée dans mes pensées. Je me suis souvenu de la veille, lorsque j'avais dit à Roland que je voulais partir. Il m'avait regardée avec stupéfaction et avait demandé : « Tu es sûre ? »

J'avais répondu : « Je dois y aller. Ils ont besoin de ma signature pour vendre cette propriété. » Mais à cet instant, je savais parfaitement que la signature n'était qu'un prétexte. La vraie raison de mon départ était mon désir de retrouver le regard plein d'affection de mes parents. Retrouver cette maison et l'odeur du repas de ma mère qui emplissait l'air. Retrouver la bibliothèque de mon père qui, depuis mon enfance, avait été mon refuge et ma compagne. Retrouver le regard de mon frère, accompagné d’un sourire qui disait : « Je suis là, ne t'inquiète pas. »

Je partais pour chercher quelque chose que j'avais perdu depuis des années. Je ne savais pas exactement ce que c'était, mais je savais que je l'avais laissé dans cette maison. Toute ma vie, j'avais voulu être seule, plonger dans mes rêves, écrire, et voir la vie comme je la souhaitais. Mais un jour, en ouvrant les yeux, je m'étais retrouvée à vivre seule dans une pièce. Cette solitude que j'avais tant désirée, accompagnée du silence et d'une vie paisible. Pourtant, à ce moment-là, je n'étais plus la même. De cette fille joyeuse et pleine de vie, il ne restait qu'une jeune femme introvertie, brisée intérieurement, avec un sourire figé sur son visage.

Je pensais à tout ce que j'avais aimé et laissé derrière moi. Peut-être que tout cela...

Le cri du chauffeur adjoint m'a ramenée à la réalité :
« On arrive dans 15 minutes. Préparez vos affaires pour ne rien oublier. »

Une joie mêlée d'excitation m'envahit. J'ai regardé la jeune fille assise à côté de moi. Elle avait un écouteur dans une oreille et écrivait sur l'ordinateur portable posé sur ses genoux. Elle semblait être étudiante, probablement retournant voir sa famille.

Je me suis à nouveau tournée vers la fenêtre, essayant de contrôler l'excitation de mon arrivée. Finalement, le bus s'est arrêté. L'instant que j'avais attendu tout le long du trajet était arrivé. Mais maintenant, j'étais figée, comme collée au siège. Le chauffeur adjoint m'a regardée et a dit :
« Madame, c'est la fin. On est arrivés. »

Chapitre 2  

Avec précipitation, j’ai répondu « oui » et j’ai jeté mon sac sur mon épaule. Une fois descendue de la voiture, j’ai regardé autour de moi. Les arbres de cette rue étaient devenus plus grands et plus feuillus. J’ai commencé à traverser la rue, passant devant des boutiques qui n’existaient pas à l’époque. Finalement, je me suis retrouvée dans cette ruelle familière.

Les vignes dépassaient des murs des maisons, et devant les portes, des pots de fleurs exhibaient leurs petites fleurs délicates et colorées. Il était presque midi, et l’odeur du riz flottait dans l’air, emplissant toute la ruelle. Mes pas résonnaient sur les feuilles mouillées qui jonchaient le sol. La pluie venait juste de s’arrêter, mais des nuages noirs continuaient de se déplacer dans le ciel.

Arrivée devant la porte, j’ai retenu mon souffle et appuyé sur la sonnette. Une voix familière, celle de ma mère, a répondu :
— Oui ?
— Maman, c’est moi, je suis arrivée.

Elle a poussé un cri de joie et a appelé mon père :
— Dépêche-toi, va ouvrir, elle est devant la porte !

Un sourire s’est dessiné sur mes lèvres alors que les larmes montaient à mes yeux. J’entendais leurs pas précipités se rapprocher de la porte. Quand elle s’est ouverte, tout s’est passé si vite que je ne sais même pas ce qui est arrivé. Ai-je ri ? Ai-je pleuré ? Ai-je perdu connaissance ? Je ne sais pas. Mais quand je suis revenue à moi, j’étais à l’intérieur de la maison. Ma mère me serrait dans ses bras en répétant :
— Ma fille, tu es enfin revenue !

Mon père, dans la cuisine, préparait du thé. Il a dit :
— Laisse-la se reposer un peu, elle doit être fatiguée.
Mais ma mère, en pleurant, a répondu :
— Non, je ne la lâcherai pas. Je veux la garder dans mes bras.

À cet instant, je me suis sentie redevenir une petite fille, comme autrefois, quand les bras de ma mère étaient le refuge le plus sûr et le sourire de mon père le plus beau cadeau de ma vie.

Mon père est sorti de la cuisine et a demandé :
— Tu ne veux pas nous raconter quelque chose ?

Un sentiment d’enfance m’a envahie à nouveau, me rappelant ces moments où j’attendais impatiemment le retour de mon père du travail, à 16 heures. Quand il arrivait, je lui ouvrais la porte, et il se tenait là, derrière, avec un grand sourire et deux livres emballés dans un sac en plastique. Il me saluait, m’embrassait, puis se dirigeait vers sa chambre pour se changer. Et moi, je le suivais partout, racontant ma journée. Il me demandait :
— Alors, raconte-moi, qu’as-tu appris aujourd’hui ?

Avec enthousiasme, je lui récitais un poème appris à l’école, et il écoutait attentivement tout en rangeant ses nouveaux livres sur les étagères. Ensuite, il se tournait vers moi, souriant, et disait :
— Bravo, ma fille, c’était excellent !

Puis, il me donnait quelques pièces :
— Va t’acheter une glace pendant que je me change.

Ce soir-là, mes parents et moi avons parlé jusqu’à tard, partageant toutes ces choses dites et non dites. Au moment de dormir, ma mère m’a tendu une couverture qui avait toujours été la mienne, accompagnée de mon oreiller préféré, avec sa taie rose ornée de deux roses brodées.
— Dors sur le lit près du radiateur pour ne pas avoir froid, m’a-t-elle dit.

En entrant dans la chambre, j’ai posé mon oreiller sur le lit et me suis allongée. Cet oreiller m’avait tellement manqué ! Fait de plumes, c’était un trésor que je n’avais retrouvé nulle part ailleurs. Et cette couverture, plus chaude qu’aucune autre au monde…

Je fermai les yeux, me laissant envelopper par ce sentiment de bonheur. Soudain, une pensée fulgurante m’a traversé l’esprit : j’ai compris ce que j’avais perdu. Oui, j’avais laissé ma tranquillité derrière moi, et elle ne circulait que dans cette maison, auprès de mes proches.

Les larmes aux yeux, je me suis réveillée. Mais il n’y avait ni oreiller ni couverture. J’étais seule, allongée sur un lit dur, dans cette chambre où j’avais toujours partagé ma solitude.

Publié le 02/01/2025 / 20 lectures
Commentaires
Publié le 02/01/2025
Si le sujet vous a intéressé, n'hésitez pas à me le faire savoir pour que je publie la suite ici.
Publié le 03/01/2025
Bonsoir Sahar et merci de partager avec nous ce projet. A ce stade il ne faut pas se poser de question, il faut laisser filer le clavier et commencer à échafauder un plan pour structurer le récit à venir. L’important est de rapidement avoir une prise avec les personnages car ce sont eux qui vont nous mener, lecteurs par le bout du nez. Les flashbacks sont utiles pour distiller des informations commençant à brosser la personnalité à travers l’histoire des personnages. Il faut aussi que l’on puisse se représenter physiquement les personnages Exemple : "dans le reflet de la vitre qui la conduisait vers un pan de son passé, elle ramena sa mèche brune en arrière comme pour mieux sonder son regard qui appréhendait ce qu’elle y trouverait » on a des infos sur la couleur des cheveux, on sait qu’elle est anxieuse et ça fait naître une intrigue : pourquoi elle est inquiète sur son passé ? etc… c’est important pour tenir son lectorat en haleine. Exemple : en descendant elle se fit bousculée, elle se retourna et qui elle vit la laissa sans voix. Et là on a hâte de savoir qui c’est par exemple (et puis surtout ça permet de meubler car un roman c’est long à écrire et les chapitres devront être plus longs. En tout cas, fonce et éclate toi, quitte à perdre la maîtrise du personnage qui devirndra au fil de ton écriture qui il aura envie d’être où de revendiquer.
Publié le 03/01/2025
Merci, comme toujours, pour ton attention et tes remarques, Léo. Merci pour tes conseils sur les flashbacks et la structure narrative. J'y ai bien réfléchi et je prendrai certainement ces éléments en compte dans mes prochains écrits. Il est important de préciser que c'est une histoire courte et que la suite, en fait la fin, que je partagerai probablement, sera sans doute plus facile à analyser.
Publié le 03/01/2025
Très bien Sahar, je pensais que comme nous étions sur des chapitres, on partirait sur du long. Vivement la suite:
Publié le 03/01/2025
Bravo Sahar. Évidemment le sujet est intéressant. C’est très bien écrit et c’est un beau début in media res. La phrase « mais à cet instant je savais parfaitement que la signature n’était qu’un prétexte » est très forte. Je réserverais stratégiquement « la vraie raison » à un autre chapitre pour enchaîner directement de « prétexte » à l’autre phrase « je partais pour chercher quelque chose que j’avais perdu depuis des années ». Votre texte est intéressant mais vous gagneriez en impact ainsi à mon avis. Plus que d'expliquer le prétexte rapidement, vous pouvez insister sur l'aspect sensoriel pour montrer l'angoisse ou décrire physiquement comment elle a changé (elle se regarde dans la vitre du bus par exemple, ce qui donne lieu à une description physique). J’ai le même raisonnement pour « je n’étais plus la même »… « je pensais à tout ce que j’avais laissé derrière moi ». Si vous esquissez la trajectoire de votre personnage dès l’incipit, vous dessinez un bel arc narratif mais en terme d’histoire, vous répondez déjà aux questions qu’un lecteur se pose: pourquoi part-elle, que va-t-elle chercher, pourquoi se ment-elle à elle-même avec ce prétexte ? On peut donner la fonction des personnages dès le début (oncle, père, etc) sans définir ou la laisser en suspend surtout si le chapitre est court. Les questions sont bien aiguisées, ma curiosité attisée, alors il ne reste plus qu’à développer le prétexte dans les autres épisodes. J'ai hâte de lire la suite. A bientôt de vous lire.
Publié le 03/01/2025
Myriam, merci beaucoup pour votre attention et vos remarques subtiles et perspicaces. Je dois dire que j'adore les histoires courtes, car je pense que nos émotions, avec toute leur complexité, peuvent parfois se transformer en une histoire courte qui allume une étincelle dans l'esprit du lecteur. En fait, je pense que les histoires courtes sont une partie de nos milliers d'émotions que nous voulons rapidement capturer avant qu'elles ne s'estompent, tout en transmettant un message au lecteur. C'est une histoire courte, et je partagerai bientôt la fin. à très bientôt.
Publié le 03/01/2025
Bonjour Sahar ! Les flashbacks sont une bonne idée, il permettent d'avoir l'attention du lecteur sur l'histoire qui se raconte. Ils contribuent à me rendre curieuse quant à la suite. Il faut, je pense, bien repérer ces points de "suspens" pour les développer par la suite sinon le lecteur risque de ne pas comprendre, voire être déçu de rester avec un mystère à la fin (sauf si c'est un effet voulu mais c'est plus complexe je trouve). Enfin, concernant le personnage de Roland il serait peut-être été utile de savoir qui il est dès le début, à moins qu'on le retrouve plus tard dans le récit, mais à ce moment là il faudra trouver un moyen de rappeler au lecteur qu'il l'a déjà vu, peut-être par une adresse de l'auteur au lecteur qui permettra d'installer une confiance, ce qui me semble judicieux. Mais faites comme il vous plaira, je ne fais que suggérer ! Au plaisir de vous lire.
Publié le 03/01/2025
Lucie, merci pour votre attention et vos remarques. La complexité des émotions et une certaine tension étaient ce que je cherchais dans cette histoire courte. Bien sûr, après la prochaine partie, je fournirai plus d'explications et je serai ravi de recevoir à nouveau vos retours. je publierai la suite ici.J'espère que cette histoire saura toucher votre cœur, comme elle m'a touché en l'écrivant.
Publié le 10/01/2025
Merci Léo pour vos conseils , Le dernier chapitre arrivera avec un peu de retard. J'attends vos avis avec impatience. À bientôt.
Publié le 10/01/2025
Ce second chapitre est vraiment très emouvant et je n’ai pour ainsi dire pas grans chose à dire si ce n’est bravo. Et plus encore de m’avoir cueilli sur cette fin inattendue. Les émotions sont tellement denses et les scènes si précises qu’on les vit sans se douter de ce qui va advenir. Il faut continuer d'écrire. Merci pour ce moment de lecture et d’émotion.
Publié le 11/01/2025
Leo, je vous remercie infiniment pour vos encouragements. Je suis ravi que mon texte ait pu résonner avec vous. En ce moment, je me consacre exclusivement à l’écriture de nouvelles, et j’ai hâte de partager prochainement d’autres écrits avec vous.
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