Les fausses fenêtres
De Michel Tournier
Je ne sais pas comment faire une chronique de ce livre.
Il est fascinant, ensorcelant, littéraire au sens le plus noble du mot.
Tournier écrit comme un orfèvre : chaque mot est sculpté, chaque image suggère mille couches. Ce n’est pas un roman : c’est une expérience intérieure. Un vertige doux. Un tremblement poétique.
Les Fausses Fenêtres, c’est l’histoire de Nicolas, un enfant qui refuse le monde adulte. Il vit dans son donjon, au bois de Montmore, il dessine, il rêve, il observe. Il veut rester pur. Préserver son royaume. Ne pas tomber dans ce monde qu’il contemple sans le comprendre.
Au fil des pages, il glisse dans un monde de plus en plus étrange, onirique, presque mystique. Il rencontre Gémelle, ange sans sexe, puis Gémeau, beauté masculine troublante. Il les aime. Il ne comprend pas ce qu’il ressent, mais il veut rester intact. Il veut l’absolu.
Puis, tout bascule. Il monte un escalier, ouvre une porte, et entre dans une salle où l’attendent des figures symboliques : Porphyre, philosophe lumineux et glaçant, et une assemblée d’êtres aux noms étranges. Et là, il comprend :
« Le monde parfait n’existe pas. »
Ce qu’il a cherché la pureté, l’idéal, le refuge n’est qu’un mirage.
Il voulait grimper jusqu’au ciel, mais au sommet il n’y a que le chiffre, la forme, le cercle, le cube.
Des Idées parfaites… mais sans vie.
C’est un livre à lire lentement, avec un dictionnaire parfois, avec humilité toujours.
Un livre qu’on ne comprend pas entièrement, mais qui nous traverse, nous élève, nous désarme.
Il faut le lire, le relire, le garder dans un coin de soi.
Et surtout, ne pas tout comprendre tout de suite.
Car c’est là, dans ce flou poétique, que le livre fait son vrai travail.