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Les fausses fenêtres

De Michel Tournier

Chroniqué par Mich
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Les fausses fenêtres 

De Michel Tournier 

Je ne sais pas comment faire une chronique de ce livre.

Il est fascinant, ensorcelant, littéraire au sens le plus noble du mot.

Tournier écrit comme un orfèvre : chaque mot est sculpté, chaque image suggère mille couches. Ce n’est pas un roman : c’est une expérience intérieure. Un vertige doux. Un tremblement poétique.

Les Fausses Fenêtres, c’est l’histoire de Nicolas, un enfant qui refuse le monde adulte. Il vit dans son donjon, au bois de Montmore, il dessine, il rêve, il observe. Il veut rester pur. Préserver son royaume. Ne pas tomber dans ce monde qu’il contemple sans le comprendre.

Au fil des pages, il glisse dans un monde de plus en plus étrange, onirique, presque mystique. Il rencontre Gémelle, ange sans sexe, puis Gémeau, beauté masculine troublante. Il les aime. Il ne comprend pas ce qu’il ressent, mais il veut rester intact. Il veut l’absolu.

Puis, tout bascule. Il monte un escalier, ouvre une porte, et entre dans une salle où l’attendent des figures symboliques : Porphyre, philosophe lumineux et glaçant, et une assemblée d’êtres aux noms étranges. Et là, il comprend :

« Le monde parfait n’existe pas. »

Ce qu’il a cherché la pureté, l’idéal, le refuge n’est qu’un mirage.

Il voulait grimper jusqu’au ciel, mais au sommet il n’y a que le chiffre, la forme, le cercle, le cube.

Des Idées parfaites… mais sans vie.

C’est un livre à lire lentement, avec un dictionnaire parfois, avec humilité toujours.

Un livre qu’on ne comprend pas entièrement, mais qui nous traverse, nous élève, nous désarme.

Il faut le lire, le relire, le garder dans un coin de soi.

Et surtout, ne pas tout comprendre tout de suite.

Car c’est là, dans ce flou poétique, que le livre fait son vrai travail.


Publié le 06/08/2025
Commentaires
Publié le 07/08/2025
C’est incroyable que vous portiez les mêmes nom et prénom et que tu te sentes si proche de son écriture, la vie est parfois fascinante. Merci pour le partage de cette chronique qui je trouve ouvre la porte à cette notion complexe à saisir qu’est le nihilisme…
Publié le 07/08/2025
Merci Léo, Il faudra que je rajoute des commentaires sur ce livre. Tu ne peux le raconter vraiment, tu es emporté dans un long songe un long voyage métaphysique, tu es comme aspiré. Tu n’es plus sur terre. C’est époustouflant et il faut être dedans pour capter, capturer tout ce dont Tournier dit ici. C’est vertigineux et je reconnais que ce n’est pas facile à lire. Il y a beaucoup de personnages mystiques. Des philosophes comme Porphyre. Moi ça me parle beaucoup car je suis cet adolescent, je m’identifie totalement à lui car c’est un peu ma vie. C’est très étrange de lire un récit et te dire « c’est moi » et d’autres comme moi s’y retrouverons. Ça donne des frissons, des vertiges, des émotions incroyables Merci
Publié le 08/08/2025
Une maison, des fenêtres qui n’ouvrent pas sur l’extérieur mais sur l’imaginaire. Dans Les Fausses Fenêtres, Michel Tournier signe une épopée intérieure où le rêve, le symbole et le mystère se mêlent jusqu’à nous ramener, apaisés, au réel. Épopée en chambre de Monsieur Comte de Fée Chronique des Fausses Fenêtres de Michel Tournier Il y a des livres qui ne se contentent pas d’être lus. Ils s’ouvrent comme une maison inconnue où chaque pièce mène à une autre, parfois réelle, parfois imaginaire. Les Fausses Fenêtres est de ceux-là. Dès le début, nous entrons dans Montmore, ce lieu à la fois concret et mystérieux. On y croise « Monsieur Comte de Fée », surnom donné par la Mamie la servante qui s’occupe durant son enfance. Les murs semblent garder les secrets des rêves. Les « fausses fenêtres » ne donnent pas sur l’extérieur mais sur un ailleurs. À partir du chapitre 2, le récit prend de l’altitude. On quitte peu à peu le quotidien pour un univers de symboles et de visions. Des sphères tombent et, à chaque fois, un ange s’anime. Ils sont incomplets, comme en attente d’incarnation. Puis défilent des figures étonnantes : Uranie et son monde floral et cosmique, le Policier des mesures et des poids, Dionyse avec sa sphère de fumée, Ondine au manteau d’algues, Hérald et ses blasons, Scolar, maître des figures de style… Chacun apporte sa vision du monde, chacun tente de séduire le narrateur, qui les écoute tous mais ne se donne à aucun. Avant la redescente, il y a encore un dernier éclat : un dîner où les invités portent des masques d’animaux. On y parle de Dieu créant l’homme hermaphrodite, puis la femme, jugée plus aboutie que l’homme, dont Nicolas se moque gentiment en appelant son sexe une « grenouillère ». C’est à la fois drôle, cru et philosophique. Puis le souffle retombe. Les images flamboyantes laissent place à des explications plus calmes. Tournier nous donne l’impression de répondre… mais en réalité, il nous laisse libres. Chacun repartira avec sa lumière, son ombre ou son silence. Les Fausses Fenêtres est une épopée intérieure. Elle nous emmène très haut, puis nous ramène doucement vers le sol, comme une neige lente qui ne fondra jamais.
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