Les femmes ont cette capacité extraordinaire de ne jamais s’embarquer seules dans les pires galères. À cette fin, elles usent d’un stratagème largement éprouvé qui se développe en quatre temps.
– La question : « Mon chéri, ne trouves-tu pas que je devrais essayer de me teindre en rousse ? Tu m’aimerais encore plus, non ? »
— La proposition inverse : « En fin de compte, ça ne m’irait sans doute pas. Je n’ai plus ma taille de jadis et il faut être élancée pour se permettre une chevelure rousse. Tant pis, je vais garder ma couleur naturelle. »
— La mise en demeure : « Qu’en penses-tu ? Tu ne dis jamais rien. Dis quelque chose ! Un peu de courage, veux-tu ! »
Le piège imparable est tendu. Répondre qu’elle a raison de ne pas vouloir essayer une nouvelle couleur vu qu’en effet, elle n’a plus sa taille de jeune fille est évidemment absolument exclu. Il n’y a plus qu’à, bon gré mal gré, mordre dans le morceau de gruyère, si possible avec le sourire, et mourir la fleur au fusil. Le débutant pourrait tenter d’esquiver en répondant qu’il est inimaginable qu’il puisse l’aimer jamais davantage tant il est déjà au paroxysme de la passion et, qu’en conséquence, il n’y a aucun avantage à changer quoi que ce soit. Ce serait assurément malhabile et promis au, classique, mais toujours très en vogue, reproche : « Tu ne penses qu’à toi, égoïste, va ! »
— Le quatrième temps comporte deux variations possibles :
Remarquez que, de toute manière, vous êtes piégé. Elles gagnent, vous perdez. Mais il n'y a là rien de répréhensible, au contraire, je suis très admiratif de leur capacité à reproduire encore et encore le même traquenard dans des contextes pourtant souvent inédits.