« Quelle déception finalement que ce Paradis des Glycines » maugréa intérieurement la nouvelle pensionnaire, tout en regardant depuis les baies vitrées de sa nouvelle chambre la pelouse assoiffée par le mois d’août. Le service d’hôtellerie était pourtant parfait : les affiches dans l’ascenseur vantaient un établissement haut gamme. Chambre 404. À 8000 euros par mois à ses frais, le service semblait raisonnable.
En plus, elle avait pu déménager quelques meubles auxquels elle tenait. Certains l’avaient suivi depuis le Maroc et ses années passées à l’étranger avec son mari, ancien coopérant à l’époque de Gaston Deferre.
Jeanne Crayant était veuve depuis bientôt quinze ans. Le décès de son mari l’avait dévastée : elle avait perdu son âme sœur. L’absence de son mari privait les pensionnaires de longs discours sur la grande époque de la décolonisation et du travail réalisé pour décentraliser les services français dans les provinces que Jeanne ne pouvait réaliser elle-même : elle se murait dans le silence. Jeanne Crayant souffrait d’une maladie neurodégénérative comme beaucoup d’autres habitants du Paradis des Glycines. Autrefois, on disait « c’est la vieillesse », aujourd’hui on peut affirmer qu’il s’agit d’une maladie d’Alzheimer. Nous savons que les dépôts de protéines tau précipitent la dégénérescence des patients. Nous savons beaucoup de choses. Nous savons beaucoup de choses, mais nous n’y pouvons rien ou presque.
Aussi, la spécificité de la maladie rendait la perte de son mari toujours nouvelle pour Jeanne Crayant. À chaque fois que Jeanne voulait sortir pour le retrouver, elle se trouvait bloquée par un digicode dont elle ignorait le mot de passe : ses tentatives de fuites échouaient toutes les unes après les autres. Pour retrouver le mot de passe et sortir rejoindre son mari, il lui fallait taper le code de l’année : 2021. Généralement, elle ne trouvait personne pour lui dire quelle année on était.
Aussi avait-elle le sentiment cet après-midi- là qu’elle attendait son mari dans un nouvel hôtel. Or ce nouvel hôtel laissait franchement à désirer par rapport au standard haut de gamme de la Mamounia auquel son mari l’avait habitué.
À plusieurs reprises ses proches avaient tenté de l’arrimer à leur réalité. Quand quelqu’un dévoilait le pot aux roses, elle découvrait qu’elle était veuve depuis quinze ans et que son époux n’était plus. Lorsqu’elle tentait de savoir si son mari allait la retrouver depuis qu’elle se trouvait bloquée dans cet hôtel des « Glycines » ses enfants qui passaient bien souvent montraient un air attristé puis l’embrassaient d’une étrange façon. Elle les regardait en disant : « je sens que tu vas m’annoncer une triste nouvelle ». Ses enfants fondaient alors en larmes. Depuis, les visites de ses enfants s’estompaient, mais elle ne s’en rendait pas vraiment compte puisqu’elle oubliait systématiquement où et quand elle se trouvait.
Jeanne Crayant avait connu ce genre d’arrivée dans des hôtels autrefois comme ce matin : elle se souvenait d’un jour écrasant de chaleur dans une suite à Marrakech peu de temps après ses noces. L’absence de climatisation, le luxe suffocant de la Mamounia, les vêtements propres qui collent à la peau dans la seconde même on les enfile en espérant se rafraîchir. Il devait faire 47 degrés au moins. La chaleur était telle que passer une main par la vitre de la voiture pour sentir le vent équivalait à se brûler. Jeanne passa une main par la fenêtre de sa chambre. Le climatiseur ronronnait doucement. Un verre d’eau et une bouteille se trouvaient sur la table près du lit.
Le geste de Jeanne par la fenêtre fut pris pour un signe de sympathie par un homme avançant lentement de l’autre côté de la pelouse. Il s’agissait probablement d’un nouvel arrivant suivi par de jeunes gens portant des valises. Le room-service n’était pas si mal après tout. Il manquait la vue sur la mer. La silhouette de cet homme qui la saluait lui rappelait le Maroc. Son mari ne devait pas être bien loin. Peut-être l’attendait-il à la réception.
Jeanne referma la fenêtre pour s’asseoir dans le fauteuil. Elle n’eut pas le courage de prendre un verre d’eau. Une affiche derrière le verre lui recommandait pourtant de boire. Et puis, si elle n’avait pas soif après tout ?
Au Maroc aussi tout le monde a soif l’été d’abord et tout le monde ne peut pas se permettre de boire. Surtout pendant ramadan pensa-t-elle, on ne peut pas boire, les gens restent chez eux, plus rien ne bouge. Les choses changent pourtant, pensa-t-elle, les femmes s’affichent sans foulard dans le centre-ville depuis l’Indépendance. Le roi Mohammed V a donné le ton en insistant sur la « libération » et « l’autonomie ». Les Marocaines qu’elle avait croisées dans la capitale économique s’affichaient sur la promenade d’Aïn Diab en robe Courrège et petit foulard à la Grace Kelly. Quelques graines de tournesol chaudes et salées achetées au vendeur à la charrette de bois blanche, un cornet habillement réalisé avec une simple feuille alimentaire et les voilà parties avec leurs grands chapeaux vers les clubs privés de la côte : un billet pour l’entrée et la descente des marches la plus chic pour les clubs où il faut être vues : Acapulco, Tropicana, Miami Beach. D’une certaine façon, Anfa-Plage ressemblait à Miami-Beach. Les bassins étaient creusés dans la roche, à même le sable, le béton peint d’une couleur vive, bleu Klein, jaune vif et au milieu des bungalows, les cours de tennis jouxtaient les paillottes. Certains amis coopérants préfèrent conduire leurs enfants dans d’autres clubs où les toboggans sont nombreux. Non, ça ne change pas, ils se croient toujours aux États-Unis pensa Jeanne. Quand nous y étions avec les enfants, je me souviens de ses femmes avec leur brushing gonflé, leurs ongles rouges, leurs talons en plexi et leur maillot aux découpes savantes. Des sosies de Sue-Ellen. Moi aussi, j’en ai bien profité des bains de mer dans les plages privées abritées de l’atlantique par quelques murs peints à la chaux qui brisaient les rouleaux. On sentait l’écume sur notre peau bronzée. Parfois une vague plus forte trempait une serviette et faisait rire les jeunes et rager les belles femmes bien coiffées. À plusieurs reprises, quand l’air devenait trop pesant, son mari l’avait conduite à plusieurs reprises plage du kilomètre 14 avec d’autres coopérants pour des pique-niques. L’été, les grillons murmuraient dans la forêt de Bouskoura où les enfants jouaient parmi les eucalyptus. Les souffles affaiblis reprenaient vie. Sans doute le visage de ce nouvel arrivant qu’elle venait de croiser n’était pas inconnu. Elle associait ce sourire à ces années heureuses.
Elle se souvenait surtout de cet air chaud saturé de poussière et de gasoil qui la prenait à gorge dès qu’elle sortait. Ce nouvel arrivant avait dû connaître cela aussi. Rien de tel dans cet hôtel, tout semblait correct : les arbres et les fleurs souffraient en silence, aucune feuille ne se rebiffait. Le personnel docile respectait les sens de passage. Un panneau indiquait même qu’il était interdit de marcher ici ou là et qu’il fallait respecter les rosiers pour qu’ils poussent normalement. Les indications étaient affichées et tout le monde les respectait. Pas besoin de klaxonner pour avancer.
Jeanne s’effondra dans son fauteuil. Des rues, elle sentait l’odeur âcre des pneus qui fondaient, près des cafés aux devantures baissées après la prière, l’air trouble s’élevant en fumée autour du goudron fondu comme dans les westerns. Ce détail, surtout, les capsules de soda de toutes les couleurs accrochées au renflement du bitume comme au sac à dos d’un punk s’incrustait sur le mur de sa chambre. Devant elle, ce souvenir s’estompait pour laisser place aux cigales assourdissantes de Bouskoura.
Jeanne prit finalement son verre d’eau. Après une vie de coopérante, un mari qui avait participé à la recentralisation, elle n’aurait jamais pensé en arriver là. Elle regrettait vingt ans auparavant d’avoir mis « sa mère en maison » pour s’en retrouver au même point. Elle était lucide à présent, il s’agissait bien d’une maison de retraite et non d’un hôtel. Les enfants se disputaient la charge du prix très élevé qu’on leur demandait. Les études des petits-enfants coûtaient cher. Le poids de la vie coûtait cher. Le fardeau de la vie lui pesait.
Comment en était-elle arrivée là, « en maison » ? À vrai dire, on y arrive facilement une fois qu’on est veuve et seule. Il avait suffi d’un dimanche un peu confus dans sa maison de campagne avec ses enfants. Sans doute avait-elle oublié de boire. Sans doute était-elle fatiguée. Son fils lui avait demandé qui était le président de la République et elle s’était trouvée incapable de répondre. Pompidou ? Giscard ? « De toute façon, c’est un peu la même chose, ils sont tous pareils ». Cette réplique n’avait pas suffi. Sa fille avait appelé le médecin le lendemain et une ambulance l’avait conduite dans un centre hospitalier universitaire pour examen. Elle s’était sentie seule dans un dépotoir. De l’attente, des insultes, des hommes pris de boisson, un lieu où la misère côtoyait la maladie : c’était le hall des Urgences. La laideur du monde l’avait profondément marquée. Des Urgences, Jeanne avait rejoint le 17ème étage en médecine générale du CHU. À l’issue des examens, elle était partie pour Le Paradis des Glycines où d’autres blouses blanches l’attendaient. De ce naufrage, quelques affaires surnageaient : le carnet d’adresse de son mari et sa machine à écrire, une Olivetti 32 sur laquelle elle écrivait depuis qu’elle était jeune sténodactylo : l’Olivetti l’avait suivie dans chacun de ses déplacements. Jeanne avait ressorti sa machine à écrire pour ses loisirs quand les douleurs articulaires étaient devenues trop fortes pour maîtriser un stylo sans douleur. Elle regardait à nouveau par la fenêtre.
En contrebas, au premier étage dans la salle commune, un de ces ateliers mémoire lui interdisait l’accès au Paradis des Glycines auquel la maison de retraite devait de toute évidence son nom. La maison de retraite était composée d’une ancienne longère de plain-pied (unité Neptune) flanquée de deux dépendances : le bâtiment Hélios et le bâtiment Éole. Les murs gouttereaux des dépendances encadraient une cour gazonnée tout à fait régulièrement entretenue. Ce petit carré circonscrivait le paradis des Glycines et les habitants se faisaient face dans cette espèce d’atrium.
Le réel semblait décevant. La gazonnette en guise d’atrium. Le bâtiment Hélios n’avait rien de majestueux. Il ne se dressait aucun de ces crépis de couleur jaune de Naples, aucune treille portant de lourdes grappes de fleurs odorantes n’embaumait les soirs d’été. Aucun volet de bois bleus comme ceux que l’on imagine dans les petites bourgades situées au sud de Rome dès que l’on passe le 41° degré de latitude Nord. Bien sûr, les cigales ne chantaient pas et la nature bruissait peu. On entendait juste une tondeuse. En somme, il aurait fallu appartenir à l’Unité Alzheimer du pavillon Neptune pour prendre l’infusette de thé servi sur la pelouse en contrebas pour de l’ambroisie. Le lieu n’était décidément pas à la hauteur de son nom.
Après tout, il est bien des rues des mimosas partout en France qui sont entièrement neuves et bétonnées. Cependant, il n’est pas anodin de baptiser un lieu, songea Jeanne. Bien fait pour eux, sourit-elle. Peut-être n’était-ce pas pour rien si le pavillon Neptune avait été victime d’une fuite d’eau. Peut-être n’était-ce pas pour rien qu’un incendie s’était déclaré un week-end dans le bâtiment Hélios, incendie probablement lié à une bouilloire électrique dont l’usage était pourtant interdit dans les chambres. Il ne faut jamais donner baptiser les choses d’un nom prétentieux, la nature se venge.
Ainsi, dix jours ou quelques années près après son arrivée, les yeux de Jeanne Crayant étaient entièrement décillés par une observation régulière et attentive des temps forts qui réglaient la vie des pensionnaires : le petit-déjeuner servi en salle, l’heure des ménages pendant laquelle elle désertait sa chambre pour l’atelier lecture de presse du matin, l’heure de la toilette pour les plus dépendants, l’heure du déjeuner, la promenade d’après manger, la sieste et enfin l’animation d’après-midi à laquelle elle ne souhaitait définitivement pas assister.
Elle restait la plupart du temps solitaire dans sa chambre double pour l’instant vide. Jeanne se tenait accoudée à une petite table carrée sur laquelle tenait à peine sa malle emplie de livres, de coupures de journaux et de guides de voyages. Elle avait renoncé à défaire cette valise et l’utilisait comme une étagère. Jeanne s’étalait dans l’espace qu’on lui laissait, persuadée d’attendre quelqu’un sans vraiment savoir qui, se persuadant que quelqu’un arriverait, mais sans savoir quand. Au cas où son mari reviendrait, elle avait entrepris de taper ses observations à la machine à l’aide de son Olivetti 32 qui avait repris du service après que l’arthrose lui déformant les mains ait rendu son écriture illisible.
Dans le cœur de l’après-midi, l’éblouissement initial cédait progressivement place à la consternation à mesure qu’elle prenait conscience de l’aspect étriqué d’une vie qui semblait satisfaire tous les pensionnaires sauf elle. Elle revint vers la petite table à écrire. Une chambre banale, une décoration impersonnelle dans une chambre double pour l’instant vide. Les livres de voyage anciens et journaux de voyage ainsi que son journal intime dans une vieille malle formait son univers. L’Olivetti Lettera 32 trônait sur la table de chevet en face du lit vide.
« Maman, es-tu contente ici ? ». Le lieu du nouveau départ tenait plus du mouroir désolant que du paradis apollinien, mais elle ne pouvait l’avouer dans ces termes à une fille qui l’avait placée là pour son bonheur. Elle tergiversait avant de coucher sur le papier la phrase qui lui était venue à l’esprit tout à l’heure « Quelle déception finalement que ce jardin des Glycines ». Puis, Jeanne frappa à la machine ce qui lui venait en tête, tant pis si on la taxait « d’ingrate ». Quand d’autres rendent grâce à Dieu, Jeanne rend grâce aux mots.
Par excès d’imagination ou par superstition, Jeanne a toujours considéré les noms propres comme des phénomènes naturels porteurs de présages. C’est à travers les mots, entre les mots qu’on voit et qu’on entend le monde qui nous entoure aussi Jeanne comprenait-elle plus ou moins consciemment qu’un patronyme n’était pas choisi arbitrairement, mais qu’il révélait une vie aux yeux de ceux qui savaient l’interpréter, comme des phénomènes naturels qu’il convenait d’interpréter. Allait-elle écrire quelque chose sur les aventures de l’unité Neptune et du pavillon Hélios ? Pourquoi pas… Il ne manque plus qu’une tornade pour souffler le pavillon Éole, souffla-t-elle, les voilà bien.
Jeanne ne doutait pas que son petit-fils récemment nommé Swann verrait éclore ses talents littéraires. Elle avait dû laisser sa machine, car elle avait dû descendre pour une animation. Pas le choix : « Madame Crayant, c’est le temps de groupe minimal, on ne peut pas vous laisser seule dans votre chambre sans surveillance, on n’est pas assez nombreux pour être derrière chaque résident, et puis ça vous fera du bien ».
L’inconnu aperçu à la fenêtre ne se montra pas « au temps de groupe minimal ». Douze pensionnaires se tenaient là assis et formaient un cercle autour d’une table de jardin en plastique vert sur laquelle reposait une carafe de citronnade ainsi que de nombreux verres presque vides. La consternation aurait pu s’afficher sur bien des visages, mais dans l’ensemble la petite société semblait plutôt réjouie par la prestation de Josette Bouchard qui venait de massacrer avec entrain « Les Amants de saint Jean » sous le regard complice d’une infirmière qui l’y encourageait en lui serrant la main comme pour maintenir la cadence. Josette répétait cette chanson comme un enfant répéterait une comptine, en serrant la main de sa mère et en y mettant d’autant plus de ferveur qu’elle n’en comprenait plus les paroles qui pourtant se suivaient, guidées par le retour invariable de la rime. Josette Bouchard se rendait avec la même ferveur à la messe dans l’oratoire chaque jeudi ce qui lui procurait un grand apaisement. Au moins, à la messe, savait-elle où elle était. Elle connaissait le début, le milieu et la fin depuis l’enfance.
Jeanne pensa qu’elle était la treizième pensionnaire et que cela n’était pas une bonne chose, Josette Bouchard, si désorientée fût-elle, aurait dû s’en rendre compte. Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais être treize à table ? Une grenouille de bénitier pareille devrait bien s’en souvenir.
À son retour de l’atelier de stimulation cognitive, Jeanne Crayant trouva une valise ouverte sur le lit attenant au sien. Elle reconnut tout de suite que cette valise n’était pas la sienne. Soudain, de la salle de bain sortit l’homme qu’elle avait cru saluer tout à l’heure par la fenêtre de sa chambre. Il sourit en regardant son Olivetti 32. « C’est amusant, j’ai connu une femme autrefois qui avait la même que vous quand j’étais enseignant au Maroc » s’exclama-t-il. Elle était sténodactylo, elle travaillait pour une société d’import-export MAROC-FRANCE-Italie dans le quartier du Mâârif, c’était une société qui exportait des dalles de ciment pour les trottoirs, les magasins, je crois ».
L’homme s’appelait Jean-Marc Loisel. Il venait de regarder les affaires que Jeanne avait laissé de son côté dans sa valise-étagère. « Quel sans-gêne » pensa Jeanne Crayant avant de songer qu’elle-même avait envahi le lit attenant au sien. Jean-Marc Loisel avait été professeur d’histoire au lycée Lyautey dans les années qui suivirent l’indépendance. Il sortit une photographie du Mâârif où Jeanne se reconnut en compagnie de son mari. Elle fut surprise.
- « Vous m’êtes très sympathique Jeanne, vous êtes même tout à fait charmante, mais je suis très gêné, car je ne me souviens absolument pas du genre de relation que nous entretenions au juste. Je ne peux pas vous avoir embauché, car j’étais enseignant, mais auriez-vous eu une aventure extra-conjugale avec moi ? ».
- « Oh, non, je ne suis pas celle que vous croyez ! Pour quel genre de femme me prenez-vous ? Je n’aurais jamais trompé mon mari » rétorqua Jeanne Crayant outrée.
- « Le problème est que j’ai beaucoup de mal à me souvenir des noms et des visages. Je rencontre beaucoup de femmes charmantes, mais impossible de savoir avec qui j’ai eu une aventure, c’est très embarrassant comme situation, vous imaginez ? ».
Quelques semaines passèrent en compagnie de Jean-Marc Loisel. Sa compagnie n’était pas désagréable. Jeanne et Jean-Marc échangèrent beaucoup au sujet du Maroc. Il leur prit une envie folle d’y retourner. Par chance, Jean-Marc connaissait parfaitement l’année dans laquelle ils étaient. 2021. Jeanne et Jean-Marc n’eurent aucune peine à réussir leur fugue.
Du sol argileux et sec, pelé sans être pourtant tondu, la glycine avait jauni puis lentement périclité, elle faisait maintenant place à une vigne vierge souffreteuse par ce début du mois d’août. L’ensemble demeurait triste et on avait parlé de faire installer un hortensia grimpant pour remédier à ce problème de floraison, mais il fallait du temps et Jeanne ne verrait probablement rien fleurir de son vivant. Cependant, la présence de taupes sur le terrain suffisait à donner à ce lieu cabossé un air de campagne charmant pour la majorité des arrivants. C’était bien entendu un leurre. Un leurre auquel avaient échappé deux résidents. La chambre double 404 du pavillon Neptune était vide. Jeanne Crayant et Jean-Marc Loisel étaient introuvables…
AE. Myriam 2021
myriam.ae.ecriture[at]gmail.com