Impro entre chas et lien

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Qui aimerai-je demain

sans qu'il m'accroche en devanture

sans aventure sans lendemain

sans qu'il m'offre du baratin

une villa sa richesse et son orgueil

ou des vacances improvisées

quand moi je ne sais rien

ni de son âme ni de ses écueils

ni même du regard

qu'il pose sur les bocages

et leur histoire

 

 

Qui aimerais-je au frisson

des feuilles mortes

de leurs dorures de leurs patins

de leurs craquelures

et leurs chemins

 

Il serait plus drôle

de rire à deux

du cul du hérisson

qui dépasse de son nid moisson

sous ce barbecue rouillé

posé à l'envers

comme une ruine recyclée

bien sûr

 

de partager des passions

des sorties des voyages

des sourires des tendresses

sur nos peaux de paysages

 

 

Il reste doux d'en entendre

les voix

de nos victoires nos flétrissures

d'y voir une fratrie et ses blessures

ses joies

même ses ratures

 

Et qui veut savoir d'où vient le chant

et le vent du désir

et du désir de bien faire

sans en faire trop

 

 

Que vais-je dire

des premiers cheveux blancs

des grands chevaux du firmament

des morsures lentes

handicapantes

de l'hiver et de l'avenir

des contes anciens

de ceux à écrire

des feuillets à retendre

de ces amis

qui nous reprochent

l'absence

 

des feuilles mortes

se régénérant

 

Qui animera nos pages

dans nos sommeils de livres

 

Ou naîtront nos sourires

dans des déserts de givre

 

Que vaudront nos fois nos espérances

sur les échelles tendues à la haine

 

Ou s'éteindront nos poids et nos absences

ou le sens étroit de nos déveines

 

Ou irai-je demain

la joie le rire en bandoulière

avec des airs de conquérante

Le dos scié la tête penchante

 

Qui est cette femme

qui se moque à mon passage

de je ne sais quoi d'une vieillissante

 

Qui sont ces hommes idiots

qui osent me sortir leur langue

avec des airs de bestiaux

quand je n 'admire que le héron

figé comme une statue

 

et pourquoi me revient toujours

la fable de La Fontaine

comme une habitude

une ritournelle

une récitation si bien apprise

 

Je sais

la mémoire est sélective

 

Je le répète comme un slogan

à ces amis si déprimés

et c'est Prévert qui m'avertit

qu'il faut en prendre

mais en laisser

s'envoler sous l'ouragan

 

Si la vie passe si vite

qu'elle semble parfois une étincelle

si mes mots restent dérisoires

je m'habille d'une robe de plumes

jette deux ou trois enclumes

dans des abîmes

très noirs

suit la route des hirondelles

cueille des fleurs bientôt fanées

me sourit dans mon miroir

m'égaie des couleurs ou bien d'une rime

fait des efforts pour étirer

ce corps

 

sensible

 

Si mon cœur bat trop vite

qu'il semble parfois l'écho

d'un arbre déraciné

 

Si les fleurs fanent et évitent

le froid le gel méli-mélo

se mêlant à la terre

pour en faire du terreau

à mariner

 

J'écris des mots

comme pour les chanter

 

J'écris des eaux pour les imaginer

 

Je vous écris croyant bien faire

 

Je pense à vous

libérée de mes fers

 

Si le soleil peut m'émouvoir

une plante fragile ou une histoire

un petit bonhomme ou un géant

 

une phrase écrite un homme tentant

une guérite une femme sans terre

 

J'écris des mots pour les panser

 

Écrire pour en guérir

reconnaître son profil

mais toutes ses faces

de nouvelles phrases

à conquérir

laisser une trace

un fil à suivre

le fil d'Ariane

sous le poids des cuivres

d' Hercule

 

 

Pour en vibrer

apprendre ces choses

si bien cachées

Tous ceux qui osent

se révéler

 

Rendre hommage aux écrivains

Ne pas perdre la mémoire

 

S'écarter du train-train

Rêver de beaux grimoires

 

Voyager dans une histoire

telle qu'on l'imagine

 

Passionner ses lecteurs

les surprendre

les faire rire

leur faire peur

leur donner du plaisir

 

qu'ils en pleurent ou s'en égaient

qu'il oublie le temps d'un livre

le temps qui passe

les deuils qui suivent

 

 

J'écris des mots pour les penser

 

Pourquoi écrire la nuit

sinon pour que le sommeil

nous étreigne de mots

et nous dévoile

d'autres silences

 

Pourquoi créer des mondes imaginaires

sinon pour en trouver des forces à naître

le repos d'une âme tourmentée

la simple joie d'avoir construit

un univers où s'évader

 

J'écris des mots pour en rêver

 

Où irai-je cheminer dans l'heure

dans un parc ensoleillé

chez cette sœur de solitude

dans ces histoires à achever

 

De quel bonheur

vais-je m' enivrer

 

J' aligne des mots

pour apprendre à les faire danser

Enfant, ai du me voir ballerine

avec ces gestes si maladroits

J'ai été cette anguille

vous filant entre les doigts

Je me suis vue poisson

apprenant à marcher

ai eu du poison

à ne pas disséminer

sais rarement ou classer mes écrits

les oublie parfois

sitôt écrits

Ce dont je suis sûre

c'est que j'aime les mots

qui ne servent pas d'alibi 

 


Publié le 12/11/2025 / 1 lecture
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