Introduction
Il y a des êtres qui traversent la vie en quête d’un amour qu’on ne leur a jamais appris.
Ce texte parle de cela : du manque fondateur, des gestes jamais transmis, des mots jamais dits,
et de cette illusion persistante — celle d’avoir été aimé.
C’est une voix intérieure devenue universelle, un murmure qui pourrait être celui de beaucoup.
Ou de chacun.
Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau
Par Michel Tournier
Sa mère lui souriait tristement.
Elle n’avait pas compris
qu’un matin il partirait,
pour fuir le désespoir,
chercher un paradis…
ou un autre enfer.
Il n’a pas été aimé comme il l’aurait voulu.
Comment aurait-il voulu être aimé ?
Il ne sait pas. On ne lui a pas montré.
Aimer… n’était-ce qu’une illusion ?
Il n’a jamais eu de gestes tendres,
il n’en a jamais reçus.
Il aurait voulu des gestes tendres.
On ne les lui a pas montrés.
La tendresse… n’était-ce qu’une illusion ?
Il n’a jamais dit les mots qu’on attend,
il n’a pas entendu ceux qu’il attendait.
Quels mots ?
Il ne sait pas. Doux, peut-être.
On ne lui a pas parlé.
Les mots doux… n’étaient-ce qu’une illusion ?
Il ne peut pas refaire le film à l’envers,
il ne l’a jamais eu à l’endroit.
Quel film voulait-il ?
Le film d’amour… n’était-ce qu’une illusion ?
L’illusion d’être aimé,
c’était peut-être juste
le désir de ne pas être seul.
Et qu’est-ce que l’illusion ?
L’illusion n’est qu’une illusion —
c’est-à-dire rien.
Ou presque rien.
Assis sur des brumes,
à parler au miroir,
il ne pouvait trouver que son double.
Pour recevoir un amour discret,
un amour léger,
un amour muet —
comme celui qu’il n’avait pas reçu.
Et tout pouvait rentrer
dans l’ordre de l’illusion.