L’écoute du malentendu

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La haine marche sans voir, mais elle entend tout. Elle avance dans un brouillard épais, les yeux fermés sur la vérité, mais les oreilles grandes ouvertes aux échos du monde. Elle ne distingue ni les couleurs ni les visages, mais elle capte les sons qui la nourrissent : les cris, les reproches, les mots tordus par la peur. Elle se repaît de ces bruits comme d’un festin invisible.

 

Aveugle, elle ne sait pas où elle va. Elle trébuche sur les faits, ignore les gestes tendres, piétine les preuves d’amour. Pourtant, elle écoute. Elle écoute avec une attention féroce, cherchant dans chaque phrase une raison de s’enflammer. Elle entend ce qu’elle veut entendre, amplifie ce qui la conforte, étouffe ce qui pourrait la calmer.

 

La haine, c’est une oreille sans regard. Elle ne voit pas la main qui se tend, mais elle entend le froissement du doute et le transforme en menace. Elle ne voit pas les larmes, mais elle entend le souffle d’un désaccord et le transforme en injure. Elle ne voit pas la beauté du monde, mais elle entend le bruit du monde et le déforme jusqu’à ce qu’il devienne insupportable.

 

Et plus elle écoute, plus elle s’enferme. Elle devient un tambour qui résonne de sa propre fureur, un écho qui se répète sans fin. Elle croit entendre les autres, mais ce qu’elle perçoit, c’est sa propre voix, déformée, amplifiée, déchaînée.

 

Pourtant, il suffirait qu’elle ouvre les yeux. Qu’elle regarde, vraiment. Elle verrait que le monde n’est pas fait d’ennemis, mais de visages, de regards, de mains qui cherchent à comprendre. Elle verrait que le silence n’est pas une menace, mais une promesse. Car la haine, si elle cessait d’écouter pour blesser, pourrait enfin entendre pour guérir.


Publié le 10/11/2025 / 41 lectures
Commentaires
Publié le 10/11/2025
Tellement vrai, les mots choisis... Beau travail
Publié le 10/11/2025
Touchée aussi, d'autant plus quand on a des haineux dans sa propre famille, et qu'on en rencontre au travail ou ailleurs. Des gens en colère qui projettent leurs manques et leurs peurs sur autrui. La haine se nourrit d'elle-même, et malheureusement se transmet. J'ai revu récemment les films : "La haine", "Skin", "American history X "Elephant"... J'ai renoncé je crois à essayer de comprendre la haine. S'en préserver et la combattre comme on peut.
Publié le 10/11/2025
Vos mots sont très justes et profondément humains. La haine, sous toutes ses formes, est souvent le reflet d’une souffrance non reconnue, d’un vide intérieur ou d’une peur mal gérée. Vous avez raison : elle se nourrit d’elle-même, se propage comme un feu, et finit par consumer ceux qui la portent autant que ceux qui la subissent. Les films que vous mentionnez sont puissants, chacun à leur manière. Ils montrent à quel point la haine peut naître de l’ignorance, de l’exclusion, ou du besoin d’appartenance mal orienté. Renoncer à la comprendre, c’est peut-être une forme de sagesse — car chercher à la rationaliser, c’est parfois lui donner trop de place. S’en préserver, c’est déjà un acte de résistance. Et la combattre, même à petite échelle, par la bienveillance, l’écoute et la dignité, c’est une manière de ne pas lui laisser le dernier mot.
Publié le 10/11/2025
Dans les croyances la haine est un des nombreux masques que porte le diable prénommé aussi le malin et ce n’est pas pour rien. Dans cette dualité entre le bien et le mal qu’il incarne, tout est matière pour semer la discorde, faire naître la colère, diviser pour mieux régner et ton texte montre d’ailleurs très bien quelques techniques qui visent à détourner le coeur et la raison de celle et celui qui doute.
Publié le 11/11/2025
Léo, tu as une belle manière d’exprimer cette idée. Tu montres bien que la haine n’est pas juste un sentiment, mais une arme que le malin utilise pour semer la confusion et la division. Dans cette vision du monde où le bien et le mal s’affrontent, tout devient prétexte à troubler les esprits et à éloigner les cœurs de la lumière. Ce que tu dis rappelle que le vrai combat se joue à l’intérieur de chacun de nous. Résister à la haine, c’est refuser de se laisser manipuler, c’est choisir la paix et la lucidité. Tu traduis très bien cette tension entre la tentation et la sagesse, entre la colère et la compassion.
Publié le 11/11/2025
Bonjour Mary, c’est un point de vue de l’instant qui repose sur ma lecture en cours de « Sapiens : une brève histoire de l'humanité » de Yuval Noah Harari et qui énonce les différents axes d’approche qu’a eu l’humain pour démêler ce sac de noeud qu’est le bien et le mal. Il y a le monothéisme qui pose soucis car si Dieu est tout puissant alors pourquoi il laisse faire le mal, il y a le dualisme (ce que j’expose dans ce commentaire) nos vies s’inscrivent dans un champ de bataille ou s’affronte en permanence le bien et le mal. Pour le monothéisme sur la part du Dieu impuissant face au mal il y a tout de même cette notion de libre arbitre (l’homme choisi par lui même sa destinée) mais je me suis confronté à Spinoza qui démontre comme le serait une pierre déjà lancée que ce sont bien d’autres éléments qui ne dépendent plus du libre arbitre qui conduise à des conséquences désastreuses. Et puisque l’on est sur le volet philosophique (qui met l’humain au coeur de la réflexion) il y a cette notion pas facile a attraper qu’est le nihilisme qui conduit à une forme de déterminisme (on ne peut rien faire, tout est vain et déjà écrit), un petit peu comme le miroir de notre société dont tu parles et que l’on regarde impuissant…et qui n’est pas satisfaisante non plus. J’ai bien d’autres éléments en têtes mais qui seraient prodigieusement longs à exposer dans ce commentaire, je poursuis mes investigations et tous les textes participants à cet atelier d’écriture vont en ce sens. A plus tard Mary.
Publié le 11/11/2025
Ton message est d’une grande richesse, Léo. Tu tisses avec finesse les fils entre les grandes visions du monde — monothéisme, dualisme, déterminisme, nihilisme — et la question du libre arbitre, qui reste sans doute l’un des plus fascinants dilemmes de la pensée humaine. Ce que tu évoques de Spinoza est particulièrement juste : sa conception d’un univers régi par la nécessité, où tout découle de causes antérieures, remet profondément en question la liberté telle qu’on la conçoit intuitivement. Ce que j’aime dans ton approche, c’est que tu ne t’arrêtes pas à une posture intellectuelle figée. Tu explores, tu confrontes, tu cherches à comprendre comment ces visions s’articulent avec notre expérience contemporaine — ce « miroir de notre société » que tu évoques si bien. On sent que ta lecture de Sapiens agit comme un déclencheur, une invitation à relier les grandes structures de pensée à la condition humaine actuelle. C’est une belle démarche de réflexion, à la fois lucide et sensible. Je te souhaite une lumineuse journée ✨️
Publié le 10/11/2025
Belle réflexion. Celui qui hait, a en effet peur de la moindre différence. Mais se connait-il vraiment ? Ou vit-il à travers ses pairs ? Et comment s'aimer quand on est un inconnu pour soi. Si pas d'amour pour soi, comment se tourner vers les autres ? Merci de nous faire ainsi réfléchir Mary.
Publié le 11/11/2025
Merci beaucoup, Sophiak, pour ton message plein de sensibilité et de profondeur. Tes mots résonnent avec justesse et rappellent combien la connaissance de soi est essentielle pour aimer et comprendre les autres. Ta réflexion apporte une belle lumière à cette discussion.
Publié le 10/11/2025
J'ai aimé ton texte. Ta façon de décrire la haine comme une force aveugle qui capte juste les bruits du monde est vraiment marquante. Tu réussis à montrer comment la haine peut déformer tout autour d’elle, en ignorant les gestes d’amour. J’ai aussi trouvé ta conclusion très émouvante. L’idée d’ouvrir les yeux pour voir le monde différemment est pleine d’espoir. C’est un joli rappel qu’on peut toujours choisir l’empathie et la compréhension. Bravo pour cette belle réflexion :)
Publié le 11/11/2025
Merci beaucoup, Allegoria, pour ton message si chaleureux. Tes mots me vont droit au cœur. Je suis vraiment touché que tu aies ressenti toute la nuance entre la haine et l’amour, entre l’ombre et la lumière. Ta lecture bienveillante et pleine d’espoir donne encore plus de sens à ce partage.
Publié le 11/11/2025
Votre texte est très fort de justesse pour décrire la haine, cette harpie sans pitié qui, animée par un excès de colère, ne voit pas le mal qu’elle fait. Elle est destructrice pour l’amour qui devient une cruelle absence chez eux qui en ont besoin après son passage tempétueux. Je suis de ceux-là. Merci de m’avoir touché à travers vos mots bien choisis, forts en émotion.
Publié le 11/11/2025
Merci infiniment, Lucie. Vos mots me touchent profondément. Savoir que mes phrases ont trouvé un écho en vous me rappelle pourquoi j’écris : pour partager, pour apaiser un peu, pour mettre des mots sur ce que tant ressentent en silence. Merci du fond du cœur.
Publié le 26/11/2025
Bonjour Mary, je vous espère bien portant. Très profond et bien écrit est votre texte. Il dépeint la haine comme une entité sourde à la vérité visuelle mais avide des bruits qui alimentent sa violence. Les images sont puissantes : « une oreille sans regard », « un tambour qui résonne de sa propre fureur »… Tu y explores brillamment les mécanismes de la haine, tout en laissant entrevoir une issue : ouvrir les yeux, voir l’humain, accueillir le silence. Amitiés, Stéphane KABAMBA
Publié le 27/11/2025
Cher Stéphane, Je te remercie pour ton message si chaleureux. Je vais bien, et tes mots me font vraiment plaisir. Ta lecture m’a touchée par sa justesse et la profondeur de ton analyse. Tu as perçu avec une grande sensibilité ce que j’ai voulu exprimer : la cécité de la haine et la possibilité de retrouver la lumière en choisissant de voir, d’écouter autrement. Merci d’avoir pris le temps de plonger dans ces lignes et d’en faire ressortir toute la résonance humaine. Avec toute ma gratitude et mon amitié, Mary
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