Je n’avais que 20 ans lorsque j’ai été condamné pour un cambriolage, coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Je suis entré en prison en décembre voilà maintenant douze ans. Il y a dix ans je me suis évadé avec l’aide d’un copain détenu en me cachant dans un camion poubelle.
Je me suis fait arrêter une nouvelle fois pendant ma cavale, à la frontière Belge.
J’ai pris perpétuité et j’ai été emprisonné cette fois, en isolement.
La première année de ma détention a été la plus terrible, j’ai manqué de beaucoup de choses.
J’ai surtout pris conscience de mes erreurs et regretté le mal que j’avais fait à mes proches et aux parents de la victime.
Ma mère m’avait envoyé pour Noël, un colis avec des friandises et des oranges, oui des oranges, je ne sais pas si elle voulait faire de l’humour ou me rappeler ce qu’elle me disait souvent : « Si tu continues tes bêtises cela finira mal et j’irai t’apporter des oranges en prison »
Ma mère est morte du syndrome du cœur brisé quelques mois après.
Je n’ai plus personne.
Je ne sais pas pourquoi, des oranges de Noël offertes par maman, j’en avais gardé une, que j’avais posée sur l’armoire en métal, celle qui me sert de rangement et qui se trouve juste à côté de mon lit placé en dessous de la lucarne grillagée qui laisse entrer le soleil seulement pendant quelques minutes durant mes trop longues journées.
Souvent, lorsque je suis allongé sur ma paillasse, je la regarde et mon esprit s’envole.
Elle me rappelle les jours heureux de mon enfance.
Elle a séché, elle s’est déshydratée doucement, elle n’a pas pourri.
Elle est devenue toute petite, toute dure.
Lorsque, je la prends dans mes mains, elle me rassure, je caresse sa peau devenue brune et granuleuse, je hume son parfum d’agrumes séchés qui me rappelle les couronnes de fruits que maman réalisait pour l’Avent.
J’ai l’impression qu’elle me protège, qu’elle révèle l’amour divin et maternel à mon âme perdue. Elle a toujours été auprès de moi quand je déprimais, elle m’a donné de l’énergie pour supporter mon enfermement.
Elle est la lumière de ma rédemption.
Je le sens, je le sais.
Cette vieille amie sera mon talisman vers la liberté.
C’est décidé.
Comme la loi l’autorise, je vais, en ce mois de décembre, adresser à l’administration pénitentiaire une demande de remise en liberté conditionnelle.
Je vais emprunter un stylo au gardien et rédiger sur une feuille de mon cahier, une lettre qui j’espère fera infléchir la décision de l’autorité.