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L7PC 4 : Gourmandise

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Ce texte participe à l'activité : Les 7 péchés capitaux

Ma semaine de travail achevée, il me restait malgré tout un poids sur le cœur. Alors que j’oubliais ma journée près du lac, j’aperçus Marie-Gabrielle en passant sur le parking : elle tenait en équilibre sur une basket pour contraindre des bagages à entrer dans sa voiture avec l’autre pied.

  • Vous partez finalement ? m’étonnai-je en regardant ses belles jambes gris-bleu.
  • Je pars, car mon séjour devient horrible : « Prof » surveille chacun de mes pas, puisqu’il pense que je détruis l’environnement ; votre patron me harcèle avec ses factures parce qu’il croit que j’ai détruit son bungalow : si vous saviez à quel point je me sens cernée par ces hommes-là !

Marie-Gabrielle réchauffait l’air à force de godiller :

  • Enfin, si vous aviez vu la colère du directeur cet après-midi ! Il me demande de payer la note pour la serrure cassée. Après la clef collée de ce midi, le chauffage déréglé de cet après-midi, ce soir, mon ballon de Campingaz a disparu!

Ce matin en sortant du SPA, je lui avais confié que quelqu’un rôdait autour de nos cabanes depuis plusieurs jours. L’œil aux aguets, j’essayai de savoir qui nous épiait.

  • Benjamin, nous avons chacun un butor à nos trousses ; celui qui me sert de mari et celui qui vous sert d’employeur. Je crains l’un, vous redoutez l’autre, mais nous devrions fuir les deux. Ils se ressemblent, car ils sont obsédés par l’argent ! Leur seule fantaisie consiste à compter combien leur coûteront les malheurs d’autrui. Enfin, qu’importe, ce weekend j’oublierai tout, je me laisserai flotter au fil de l’eau…
  • Où vous portera le courant ?
  • Vers une chambre glamour dont je profiterai seule ! me lança-t-elle avec agressivité.
  • Alors, je vous souhaite bonne route et bon vent !

Je reprenais ma promenade vers les ruches sans m’inquiéter pour son avenir : une femme capable de dormir sur l’eau d’un SPA surnagerait partout ailleurs.

Soudain, Marie-Gabrielle fit claquer le coffre de sa voiture. Elle demanda abruptement :

  • Benjamin, avez-vous déjà passé une nuit dans un palace ?
  • Pour être honnête, non…

Un sourire amusé fendit son visage :

  • Je crois qu’il faut l’avoir fait une fois dans sa vie.
  • Ah.
  • Montez, je vous emmènerai.
  • Mais où voudriezvous m’emmener ?
  • Laissons-nous porter par le vent !
  • Cela me semble un peu léger.
  • Qu’avez-vous contre la légèreté ?
  • Rien, bien au contraire.
  • Alors, montez !

Marie-Gabrielle fuyait la pesanteur en flottant à la surface de l’eau ou en s’envolant. À présent, sa voiture portait des ailes. Je méconnaissais la destination et Marie-Gabrielle ignorait où elle allait. En route, elle s’avisa de la disponibilité d’une suite « Ciel de Soie » qu’elle semblait connaître, car il fallait bien dormir. Nous venions de sortir d’une zone blanche quand elle s’inquiéta de dîner :

  • Je voudrais commander « deux joyeuses farandoles de desserts » pour mon ami et moi à 21h00… pour la suite « Ciel de Soie ».
  • Une farandole de desserts pour votre mari… mais quelle attention charmante ! répartit l’hôtesse d’un ton enjoué. Je me réjouis pour vous, Madame Robinson. Monsieur n’annule pas comme les dernières fois ! Vous devez être heureuse que cet anniversaire de mariage ait lieu malgré tous ses empêchements !
  • Je réserve pour deux, mais je viendrai sans mon mari.   

Marie-Gabrielle riait nerveusement alors qu’un silence gêné se fit entendre au bout du fil.

  • Bien, Madame Robinson. La suite « Ciel de Soie » est réservée. Vous pourrez passer prendre la clef à la réception, les « joyeuses farandoles de desserts » se trouveront devant la porte de votre suite. Une sortie en toute confidentialité de votre nid d’amour pourra s’effectuer par le couloir qui donne sur la rue …

En arrivant, je constatai que l’hôtesse avait tenu parole : les plateaux de douceurs nous accueillirent sous de grands couvercles mystérieux. Nous passerions la soirée sur la branche, toutefois après un dîner de desserts, nous ne serions pas légers, mais ramollis…

Marie-Gabrielle s’en défendit :

  • Nous vivrons seulement d’amour et d’eau fraîche ce soir. Tu ne regretteras pas cette envolée : la liqueur sera subtile et les bouchées aériennes.  

Je posai les affaires, elle défit ses bagages puis apporta les plateaux : assise en tailleur, Marie-Gabrielle sortit son joli masque de nuit.

  • Et si à tour de rôle nous devinions chaque gourmandise ? 

La perspective de donner la becquée à Marie-Gabrielle ne m’enchantait pas, mais je cédai à ses enfantillages : ce bel oiseau rare tiendrait fermement son masque sur ses yeux, goûterait les desserts puis prononcerait un verdict de légèreté.

 J’avais remarqué que ma compagne de jeu voulait absolument à se voiler la face en toute occasion, mais ce soir elle pouvait réaliser son rêve dans la soie. Une liberté de choix aurait plombé son envol alors que l’ignorance lui donnait des ailes.

Ce fut à cet instant que selon Marie-Gabrielle, la frivolité bascula de la gourmandise vers le blasphème. Les vapeurs du Limoncello achevèrent de rendre les devinettes éthérées. Quand Marie-Gabrielle prit la communion à la bouche ; un mystère s’y déposa.

  • Je suis ce qui doit fondre. Cependant, je casse, croque et glisse. Qui suis-je ?
  • Serais-tu transfiguré en carré de chocolat ?
  • Oui, pour le chocolat, j’incarnai une dentelle jusqu’à ce qu’elle ne disparaisse dans ta bouche.
  • Oh mon Dieu ! Comme c’est léger ! J’ai l’impression de manger un nuage…
  • Qu’est-ce que c’est ?
  • Une meringue.
  • À présent, imagine une mer de nuages dont trois se distingueraient ! Tu en aurais éprouvé deux. Tous appartiendraient à cette même légèreté, mais chacun présenterait une bonté différente.

Voici une bouchée de la dernière légèreté. Nous reprenions du Limoncello ; j’extravaguai tout à fait.  

 - Je suis le dernier nuage du ciel : je suis doux, fondant et je m’effrite : devineras-tu qui je suis ?

- Ô Légèreté, je crois te reconnaître dans la peau d’un sablé !

- Non, je ne suis pas incorporé sous cette forme, cette fois, j’ai décidé de m’incarner en mille-feuille…

- Oh ! Comme tu te caches divinement bien en pâte feuilletée ! s’écria-t-elle.

- Me mangeras-tu ?

- Oui, Légèreté, je recevrai ton corps !

- Petite parieuse, tu m’aimes déjà sans me découvrir. Je suis léger, mais plus épais que les nuages précédents : je suis celui qui vole au gré du vent…

- Légèreté, j’ai reçu ta grâce, je me suis assimilé à toi, tu t’incorpores à moi et donc… je deviens…

- Théoriquement… tu devrais devenir « un mini vol-au-vent à la chantilly » .

Après cette méchante parodie de communion, je déclarai avec une solennité ébrieuse :

- Marie-Gabrielle, tu as éprouvé le mystère de la Légèreté en trois nuages alors on peut dire que tu adores la Légèreté, tu es devenue une docteure en Légèreté, c’est bien simple quand je vois ton visage, je crois que tu devrais être béatifiée.

L’alcool du Limoncello tyrannisait nos esprits.

« À mon tour » annonça-t-elle.

  • Je suis moelleuse, sucrée et j’emplis ta bouche… cependant, je ne suis pas aérienne.
  • Deviendrais-tu un petit pain perdu ?
  • Non, tu me rencontreras sous les traits d’une Génoise au moins aussi alcoolisée que toi, une beauté à l’or vénitien, dodue et entourée de dentelle. Imagine-moi à une terrasse à côté d’un café brûlant…
  • Je ne t’y vois pas vraiment.
  • Dernier indice : je suis posée sur une soucoupe, à Naples.
  • Alors, je te vois, je crois que tu es un baba au rhum.
  • Gagné.

La partie de colin-maillard terminée, Marie-Gabrielle remit les plateaux sur la table extérieure comme on remiserait un jeu de croquet dans une sacristie.

Soudain, elle prit le parti d’un bain bouillonnant qu’elle colora de rouge. Après l’amour, elle alluma sa cigarette, mais dès que j’aperçus son brûlot, effrayé, je jetai l’engin de mort dans l’eau du bain.

  • Marie-Gabrielle, veux-tu déclencher l’alarme incendie en fumant en dessous ? Il est interdit de fumer à l’intérieur ! la réprimandai-je… Et tiens, voilà pour le reste ton chaudron, sorcière ! m’exclamai-je en noyant le reste de ses cigarettes dans l’eau.

Marie-Gabrielle m’observa d’un air narquois.

  • Si tu veux éteindre le feu de la gourmandise Benjamin, trouve d’autres expédients. L’exalté des oiseaux prétend qu’un seul mégot pollue jusqu’à 500 litres d’eau ! Calcule le prix de ton inconséquence…  
  • Et toi, devine pourquoi tes baisers ont ce goût de cendre après l’amour ? la querellai-je en repêchant misérablement ses cigarettes dans l’eau du bain.
  • Je l’ignore…
  • Parce que l’odeur du tabac pollue aussi l’air que tu respires. Souviens-toi que la cendre a goût de mort. Si tu es accablé par ce que tu aimes, alors détourne-toi !
  • Si c’était si simple d’arrêter de fumer Benjamin, cela se saurait… répondit-elle en haussant les épaules.
  • S’il suffisait de regretter d’avoir fait l’amour avec toi pour ne pas recommencer… je le saurais aussi, répliquai-je en l’enlaçant. 

Mais Marie-Gabrielle arrêta mon geste d’un « Ne me touche pas ! ». Je venais de lui dire qu’elle était un tombeau pour mon cœur ou quelque chose comme cela, elle s’était sentie insultée car chez elle la déception succédait au plaisir. Elle m’exécuta d’un regard sans tendresse, s’impatienta, appela le service d’étage, s’étonna de l’absence de champagne et le fit monter.

  • Même quand il ne manque rien, j’ai l’impression qu’il nous manque chose, soupirai-je. Pourquoi la vie ne suffit-elle pas ?

Mon ennui et sa volonté nous rapprochaient, le vide nous unissait et le destin n’y semblait pour rien. Je soupçonnai Marie-Gabrielle de craindre la solitude. Elle préférait être mal accompagnée plutôt que seule.

  •  Serais-tu de ces personnes que la solitude jette au fond d’un puits d’encre ? hasardai-je.
  • C’est faux, éclata-t-elle d’un rire amer, avec « lui » la nuit, je ne serai jamais seule. Ce faisant, elle désignait un lange en mousseline duquel elle s’enveloppait. J’écarquillai les yeux. Soudain, je compris que Marie-Gabrielle Robinson avait besoin d’un doudou pour dormir : je tombai des nues.

Dans notre suite « Ciel de Satin », tout apparaissait sans même désirer.

On frappait et le champagne arrivait.

Soudain, j’entendis une sonnerie brutale, stridente et pénible : le téléphone. Marie-Gabrielle reçut l’appel puis retourna à sa dispute conjugale précédente comme Sisyphe retournerait rouler sa pierre.

À présent que j’avais l’estomac plein et la gorge nouée, notre dîner de gourmandises m’appesantissait. Après tant d’alcool, ma tête était lourde et je retrouvai le même poids sur le cœur que pendant ma promenade. La soirée passée, cette folle journée s’achevait alors que mon week-end de repos commençait à peine.

AE. Myriam 2024

myriam.ae.ecriture[at]gmail.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Publié le 23/07/2024 / 25 lectures
Commentaires
Publié le 24/07/2024
C'est tout vous ! Ça commence assez mal, je trouve. Le passé simple est pour une action courte. "Alors que j’oubliai ma journée près du lac, j’aperçus Marie-Gabrielle..." Il aurait fallu utiliser l'imparfait pour le verbe oublier. Les deux points ensuite sont aussi mal venus, une virgule, un point ou, à la rigueur, un point virgule mais pas deux points. De multiple fautes et un manque de clarté qui énervent et éloignent du texte. C'est dommage et ça nuit à l'entrée du lecteur dans l'histoire. Puis doucement, les choses s'installent et on pardonne les fautes qui piquent quand même encore ("Vers une chambre glamour dont je profiterai seule ! me lançat-elle avec agressivité.") C'est peut-être moi qui manque de patience. Et puis ensuite, cette phrase tellement réussie et sans fautes : "La partie de colin-maillard terminée, Marie-Gabrielle remit les plateaux sur la table extérieure comme on remiserait un jeu de croquet dans une sacristie." Seule Marie-Gabrielle pourrait avoir l'idée de ce parallèle idiot, léger, inconséquent, fantaisiste et finalement pas tant que ça parce qu'elle a une histoire, Marie-Gabrielle, et elle se défend avec ce qu'elle a, alors, la phrase devient presque magique et fait décoller le récit. J'ai aussi retrouvé une ambiance pesante parfois rencontrée durant ma cour à mon amoureuse. Des moments durant lesquels je me suis demandé ce que je faisais là. "Elle m’exécuta d’un regard sans tendresse..." C'est magnifique ! Huit mots et tout est dit. Je crois en la concision de l'écriture. J'aime bien l'observation des gens et des relations qui les unissent. J'aime bien votre texte pour cela. J'aime bien votre sensibilité sur ce sujet.
Publié le 24/07/2024
J’ai eu plaisir à retrouver les protagonistes et même Marie-Gabrielle pourtant couverte de défauts puisqu’elle serpente de péché en péchés. C’est cet anticonformisme qui interpelle et intrigue et le pauvre Benjamin semble bien en peine. La gourmandise est bien rendue et je trouve intéressant de l’avoir traité sous forme d’énigmes, ce qui donne une part d’interactivité au lecteur. Hâte de lire et découvrir la suite, à plus tard Myriam.
Publié le 25/07/2024
Merci beaucoup pour ta lecture et pour cette idée d'atelier. À bientôt.
Publié le 24/07/2024
Bonjour, j'espère que tout va bien à Tossa Del Mar. Merci beaucoup pour ta relecture. J'ai rencontré bien de la peine avec ce moment de l'histoire car il fallait l'articuler aux précédents. Malheureusement, je ne parviens à me représenter une action qu'en écrivant les différentes scènes depuis différents points de vue. Entre ces différents "tirages", je choisis le meilleur. Pour cette raison, je passe donc beaucoup de temps en réécritures, "floues", "ratées" etc... Une expérience de cette semaine de vacances consistait à transformer les personnages en oiseaux puis à trouver une raison pour laquelle ils pourraient parler la langue des oiseaux. J'ai trouvé l'idée de l'alcool pour sauver la conversation délirante. Enfin, je le déplore mais je suis coutumière de copier-coller hasardeux, d'erreurs de fichiers et d'autres étourderies. Tout à fait tragiquement, il s'agit bien d'un état chronique. Je vais corriger dès que possible les traits d'union trop amicaux et les verbes au passé simple en guerre pour le premier plan de l'action. À bientôt!
Publié le 26/07/2024
Bonjour, j’ai passé un excellent moment en jouant aux devinettes de la gourmandise. Et puis cet « Elle m’exécuta sans tendresse » qui est un délice littéraire à lui tout seul . Merci !
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