Le conflit

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Texte : Le conflit (et le piège invisible)

Michel Tournier

Publié dans la catégorie : Chronique du réel

Ce ne sera pas peut-être pas intéressant mais ça me fait du bien de poser ceci. Mes excuses 

Parfois, défendre quelque chose de simple — un peu d’air, un peu de bon sens — réveille des mécanismes bien plus profonds que le problème lui-même. Ce texte mêle une expérience toute récente et les vieilles blessures qu’elle a réveillées. Parce qu’il n’y a jamais de petit conflit quand on porte, en soi, l’écho des guerres passées.

Le conflit (et le piège invisible) par Michel Tournier

Lorsque je suis en conflit avec quelqu’un, ou avec quelque chose, je me sens aussitôt en conflit avec moi-même. Parce que j’ai parlé. Parce que j’ai exprimé mon mécontentement.

Et tout de suite, je me sens mal.

C’est mal, me dis-je.

On ne devrait pas être en conflit, surtout pas avec quelque chose de plus grand que soi.

Il ne faut pas se plaindre. Il faut encaisser.

Et là, je ne sais plus où je vais.Ça me ramène à l’enfance.

On me disait : Tu ne peux pas te disputer, tu ne sais pas te disputer, tu n’as pas la carrure.

Alors je me taisais.

Et la frustration prenait les rênes, jusqu’à m’enfoncer dans une rancœur muette, une rancœur qui ronge.

On ne m’a pas appris la tendresse.

Ni à aimer.Ni à être heureux.

On ne m’a pas appris non plus à me défendre.

Je voyais mes parents se disputer, et ça me rendait impuissant.

Aujourd’hui, je sens que le même schéma revient.

Impossible d’agir.

Paralysé.

Alors je laisse la place aux crises d’angoisse, qui passent le relais aux attaques de panique,

jusqu’à ce que, enfin, je reprenne le contrôle.

Mais entre-temps, j’ai été entraîné, encore une fois, dans cette embuscade intérieure.

 

Et voilà qu’aujourd’hui, j’ai eu gain de cause.

Enfin.

Après des mois à dénoncer un problème de ventilation dans notre immeuble — extracteurs à l’arrêt, escaliers bouchés, absence d’air, de souffle.

Un expert va venir. Quelqu’un va examiner la situation.

Ironie cruelle : c’est ce même locataire qui, un jour, m’avait dit que l’extracteur avait été coupé « parce qu’il dérangeait »…

C’est lui aussi qui m’avait montré que les intervalles entre les marches et les murs avaient été comblés.

Sans ces informations, je n’aurais jamais rien vu, jamais rien su.

C’est grâce à lui sans doute malgré lui que j’ai commencé à poser des questions.

Et pourtant, c’est lui qui m’écrit aujourd’hui :

« Salut Michel, félicitations, tu viens de déclencher une nouvelle guerre  »

Un petit sourire glissé dans une phrase qui fait mal.

Et aussitôt, cette peur revient : ai-je déclenché quelque chose que je ne contrôle pas ? suis-je tombé dans un piège ?

Mais non. Ce n’est pas une guerre que j’ai déclenchée.

C’est un questionnement.

Et j’ai répondu calmement :

« S’il y a eu des modifications dans le bâtiment, on doit savoir si c’est légal ou si c’est un arrangement. »

Je n’ai pas crié.

Je n’ai pas agressé.

J’ai simplement dit : vérifions.

Et ça, déjà, ça dérange.

Mais ce n’est pas moi le problème.

Ce n’est pas moi l’agresseur. Et tous les résidents se plaignent de cette situation 

C’est le silence qui s’agite quand il est troublé.

C’est l’habitude qui panique quand elle sent qu’on la regarde de trop près.

Ce n’est pas moi qui cherche la guerre.

Ce que j’ai cherché, c’est l’air.

Du vrai. De l’air pour respirer.

Et peut-être un peu pour vivre, aussi.

 


Publié le 04/08/2025 / 6 lectures
Commentaires
Publié le 06/08/2025
C’est toujours extrêmement difficile à vivre les conflits car ils opposent aux autres et que l’on penserait bien. Je crois que la majorité d’entre eux reposent sur des divergences de point de vue ou de compréhension et peut-être que la seule façon de les régler c’est de ne pas partir de sa posture mais sur celle des autres pour aller leur parler sur leur terrain, sur leur logique, ce aûils comprennent et comment ils le comprennent (voir même pourquoi), sur leur ressentis et émotions, leurs intérêts, envie… il y a énormément de paramètres qui diffèrent et tout autant de raisons de ne pas se comprendre et donc s’entendre. Et si aucune partie ne souhaite faire l’effort de se mettre à niveau de compréhension des autres, alors le conflit aura peu de chance d’évoluer favorablement. Einstein disait un truc du genre « quelle folie que de reproduire les même choses et de s’attendre à un résultat différent ». L’innovation et l’évolution s’appuient je pense sur des alternatives et variables différentes. A noter que les alternatives ne sont pas QUE celles que les deux parties ont exprimées, mais peut-être celles qu’il reste à identifier ou découvrir. La curiosité (de l’autre, des champs exploratoires), l’empathie et la communication sont je pense le triptyque qui peut solutionner bien des situations.
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