Les retrouvailles

PARTAGER

 

Les retrouvailles

 

 

Ce jour-là, je devais retrouver mes deux sœurs dont Catherine, que je n’avais pas vue depuis vingt-trois ans.

Vingt-trois ans, c’est long. Trop long. Alors forcément, l’émotion rôdait. Mais le destin, malicieux, avait décidé d’en faire une comédie.

 

Dès le matin, les signes s’accumulent. Le four fait disjoncter, les plaques aussi.

Heureusement, j’ai mon mini-four de secours pour la tarte et un petit réchaud solitaire.

Je casse de la vaisselle, les objets me glissent des mains, la journée s’annonce aussi fragile que moi.

 

Je pars pour la gare, un détour par Monoprix, puis je marche, l’esprit déjà un peu ailleurs.

Arrivé bien trop tôt.

Message de mes sœurs : “On aura une demi-heure de retard.”

Me voilà donc avec une heure d’avance.

Je rebrousse chemin, pris soudain d’une violente douleur au ventre.

Mais à peine rentré dans le tram, un nouveau message tombe :

“Finalement, on aura dix minutes de retard seulement !”

Je saute du tram, refais demi-tour.

 

Un tram me frôle, j’étais distrait, sans doute trop pressé de revoir ce passé qui revenait à moi.

Je cherche des toilettes à la gare. Il faut un euro !

Je n’en ai pas.

Alors je dis à Monsieur Pipi, d’un ton ironique :

— “Faut pas être pressé, hein ?”

Il rit. Dix minutes plus tard, je ressors, soulagé.

— “Ça va ?” demande-t-il.

— “Oui, beaucoup mieux, merci.”

 

Je cherche maintenant l’écran d’arrivée. Introuvable.

On me dit : “C’est en vert !”

Je le trouve enfin : train annoncé quai F.

J’y vais.

Message de Monique : “On arrive quai D !”

Évidemment.

 

Alors je décide d’attendre dehors, devant la gare.

Le train arrive. Personne.

Appel :

— “T’es où ?”

— “Devant l’entrée principale.”

— “Ah mince, on est derrière !”

 

Et puis elles apparaissent.

Catherine, Monique.

Tout se dissout d’un coup — la tension, l’appréhension, les vingt-trois ans de silence.

Reste le rire.

Un fou rire d’enfants retrouvés.

Le passé venait de fondre, tout simplement, dans une éclaboussure de joie.

 


Publié le 13/10/2025 / 2 lectures
Commentaires
Connectez-vous pour répondre