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Leur rêve de marbre.

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           On m’a pris en flagrant délit à peindre peu vêtu au théâtre royal de Namur ! J’en ai un peu marre de foutre en l’air mes T-shirts ou mes pantalons en les maculant de peinture, alors, pragmatique, je me mets en slip parce que le tissu le plus lavable reste largement moins lavable que n’importe quel corps humain.

          Il n’en reste pas moins que pour certaines, un travailleur en torse-nu, ça craint. Mais où est le problème, Madame ? Ma sueur ? Mes poils ? Mon corps différent de ceux vus à la télé ? En définitive, mon apparence humaine ? Oui, c’est ça le hic, il faut ne plus voir l’humain, ni ne le sentir, ni ne l’entendre. Qu’il disparaisse pour faire place au monde de marbre qu’on érige tels les riches palais d’Arabie saoudite où les serviteurs se déplacent via des coursives en sous-sol spécialement conçues pour eux afin que jamais leur maître ne risque de les apercevoir.

         « Attention, les images qui suivent pourraient choquer ! » Émouvoir, oui, mais avec mesure et surtout sans salir. Ni larmes ni morve, vous serez gentil. Pourtant moi j’aimerais bien qu’on nous choque un peu, histoire de prendre les présences. « Il y a quelqu’un ? » Resterait-il un peu de sensibilité et d’empathie dans cette humanité ? Bien sûr qu’il en reste, mais il ne faut pas que ça se sache. L’idée est que rien ne dépasse, que tout soit uniforme.

          L’huissier : « N’y voyez rien de personnel ! » en expulsant la mère et ses trois enfants. Il n’y est pour rien, le malheureux, l’expulsion n’est que l’effet du règlement communal 108bis, de la décision prise au cours du jugement du 12 septembre au terme d’un différend engagé par le propriétaire suivant la loi de 23 décembre 1964. Personne n’y est pour rien, car plus personne ne pilote l’avion. Il vole tout seul, en pilote automatique seulement assisté par les protocoles, les règlements, les lois, les arrêtés et autres papelards que personne n’a jamais rédigés. Tous ont été pondus par des commissions dont les membres, désignés au prorata de l’importance des groupes politiques auxquels ils appartiennent, ont appliqué les consignes de vote données par leur chef de parti, lui-même les ayant reçues de tellement haut que vous ne pourriez pas même voir, encore moi imaginer celui qui les a données. Le Code pénal parle même — vous voyez, ce n’est pas une personne, c’est le Code pénal qui parle — de « l’irresponsabilité parlementaire ». Le concept n’est pas neuf, il a fait ses preuves. Personne n’est responsable. On y travaille depuis longtemps. On a d’abord installé les piétons sur des trottoirs, les cyclistes sur des pistes cyclables, les autos sur des voies carrossables et ensuite ? L’idée fait son chemin de créer pour les piétons avec smartphone, des trotto-smartoirs et pour les trottinettes, des pistes trottinettables. Et les mendiants ? On en fait quoi ? On pourrait peut-être, à l’instar de l’escalier des pauvres du théâtre de Namur, ériger des murailles de part et d’autre de crevoirs. Les trottoirs pour trotter, les crevoirs pour crever, mais sans que ça ne pue ni n’éclabousse. Aux croisements, il y aurait forcément un os, à moins de creuser des crevoirs souterrains pour ne plus jamais, même aux carrefours, croiser la misère, ni la sentir, ni l’entendre non plus. Le rêve du lisse, du glabre, de l’inodore, incolore, insipide. Euro-Disney en vrai ! Tout est faux, mais rien ne jure !

          « Je pense donc je suis… ». Mais comment savoir que ce que je pense, c’est bien moi qui le pense, que ça ne m’ait pas été soufflé par le voisin, le chef de service, De Brigode ou Béatrice Delvaux ? Et si mes pensées sont les leurs, je ne pense pas, je singe. « Je singe donc je suis ? » En revanche « Je pète donc je suis », ça marche à condition que ça sente. Je ne sais pas vous, mais moi, quand je lâche une proute seul dans mon salon ou dans mon bureau, j’ai besoin de la sentir sinon, ça me frustre, car rien ne prouve que mon pet soit réel et, conséquemment, que son origine existe. Mon trou du cul et moi pourrions n’être qu’une illusion. Mon odeur, je la trouve bien plus convaincante de mon existence que leurs « pensées ». Ma sueur, je la trouve bien plus crédible que leurs commissions parlementaires. Et mes poils, ma blonde les trouve doux, elle aime s’y blottir.


Publié le 22/09/2024 / 4 lectures
Commentaires
Publié le 22/09/2024
Je reste perplexe et ne sais quoi en penser, ça part un peu dans tous les sens, à corps et à cris. Je reviendrais le lire plus tard.
Publié le 22/09/2024
Pour l'instant, je lis une colère à laquelle je ne comprends pas grand chose. Un peu trop compliqué pour moi, je crois.
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