Ma rencontre avec Hélène, dite “Mme Loïc”
Ma rencontre avec Hélène remonte à quelques années, au Monoprix. C’est une petite bonne femme très souriante, très sympathique. Le matin, elle faisait ses courses au même moment que moi. On se croisait souvent, un simple bonjour, puis peu à peu, nous avons sympathisé.
Un jour, elle me demanda de l’aider à attraper un fromage dans les rayons. Ce fromage, c’était Madame Loïc.
À partir de ce moment-là, je l’ai toujours appelée ainsi : « Bonjour, Mme Loïc, comment allez-vous ? ». Elle devait avoir dans les 96 ans à l’époque. Toujours avec sa petite canne, son petit chapeau, son petit sourire… c’était une joie de la croiser. Elle discutait un moment, puis repartait vite.
Un dimanche, je la croise au marché. Elle était avec son fils, Rémi. Je ne connaissais pas encore son prénom. Elle lui dit en me montrant :
— C’est le monsieur qui m’appelle Mme Loïc depuis qu’il m’a attrapé le fromage au Monoprix !
Alors je lui dis :
— Moi, je m’appelle Michel.
Et elle :
— Moi, c’est Hélène.
Je lui dis :
— On va s’appeler par nos prénoms maintenant.
Dès lors, on se saluait toujours à Monoprix. Quand on ne se voyait pas, on s’inquiétait. Un jour, elle m’a dit :
— Je n’ai pas eu de nouvelles, j’étais en souci.
— Ça fait bien quinze jours qu’on ne s’est pas vus, ai-je répondu. Vous savez quoi, Hélène ? On va échanger nos numéros. Comme ça, s’il y a un problème, on se prévient. Et le premier qui s’en va prévient l’autre.
Elle a éclaté de rire.
Après cela, parfois je recevais : « Bonjour, c’est Hélène, votre sourire me manque ». Je la rappelais aussitôt.
Un jour, elle m’appelle :
— Il y a un texte aujourd’hui dans La Gazette. C’est vous ?
— Vous êtes sûre ? Quel texte ?
— Un avec un bel escargot au-dessus. C’est sur le temps. Michel Tournier, c’est bien vous ?
— Ah bon, je vais vérifier.
Depuis, elle découpe tous mes textes dans La Gazette. Huit ou neuf sont passés. Elle me dit :
— Ils sont dans ma cuisine. J’attends toujours le jeudi avec impatience.
Au marché, on plaisante. On fait croire qu’on va se marier :
— Mais il faut divorcer de Trevor avant, me dit-elle.
— Et dépêchez-vous, il ne me reste guère de temps !
Le 19 août prochain, Hélène aura 99 ans. Moi, j’ai eu 65 ans en avril. Elle me répète souvent :
— Quand vous n’êtes pas là, c’est morose. Vous apportez tellement de bien quand on vous voit.
C’est une belle rencontre, née d’un simple fromage, et devenue une belle amitié.