Un matin d’octobre
En octobre 2019, après une randonnée au pic Saint-Loup, je suis rentré déjeuner vers 14 heures. Une douleur foudroyante m’a cloué sur place. On a appelé le SAMU. À l’hôpital, le diagnostic est tombé : pancréatite aiguë. Le médecin a dit que si dans les 24 heures il n’y avait pas d’amélioration, ce serait la fin. Je n’ai pas tout de suite réalisé. On m’a mis sous morphine, mais la douleur ne lâchait pas. J’étais en feu, incapable de crier autre chose que ma douleur.
Et pourtant, mon corps a tenu. Mes organes se sont comme figés, durcis, pour ne pas être digérés de l’intérieur. Une sorte de réflexe de survie, d’auto-guérison. J’avais l’impression d’avoir une enclume dans le ventre. Mais j’ai tenu bon. La cicatrisation a commencé. Je suis resté trois semaines à la clinique. Progressivement, j’ai repris des forces. Je marchais un peu, je faisais des blagues aux infirmières. Je revenais doucement à la vie.
Mais ce que je retiens le plus de cette épreuve, ce n’est pas la douleur. Ce n’est même pas cette phrase du médecin — “il vous reste peut-être 24 heures.” Non. Ce que je garde en mémoire, c’est une rencontre lumineuse.
Un matin, alors que j’allais déjà mieux, j’étais dehors devant l’entrée, accroché à mon chariot à perfusion. Et là, je les ai vus. Un homme, une femme et un enfant. Il déposa sa femme, elle semblait être médecin ou infirmière à la clinique. Il l’embrassa, dit quelques mots à l’enfant, puis repartit. Ils n’ont fait que passer.
Mais ce que j’ai vu, moi, c’était autre chose. Une lumière. Une évidence. Une paix. Une famille traversée par quelque chose de doux, d’harmonieux, de rare. J’étais saisi. C’était peut-être anodin pour eux. Mais pour moi, dans l’état où j’avais été, c’était bouleversant. Je me suis dit : “Ce sont des gens heureux. Et ça se voit.”
Quelques instants plus tard, par un hasard que je bénis encore, je me suis retrouvé dans l’ascenseur avec la dame. Je lui ai dit :
— Madame, vous êtes heureuse. Ça se voit.
Elle m’a souri :
— Oui. Oui, je suis heureuse. Ça se voit tant que ça ?
Je lui ai répondu :
— Oh oui, enfin moi je l’ai vu et très bien ressenti et c’est rare de voir une scène comme celle-ci! Je vous ai vus tout à l’heure, avec votre mari et votre enfant. Il y avait quelque chose de très beau. Vous rayonnez de bonheur.
Elle m’a remercié, touchée.
Avant qu’on se quitte, je lui ai dit :
— Vous allez être très, très heureuse dans votre vie.
Et elle m’a dit :
— Merci. Vous aussi, vous dégagez quelque chose de fort.
Ce matin-là, j’ai reçu un cadeau. Ce n’était qu’un instant, un regard, un sourire. Mais dans ma convalescence, ce moment a été un enchantement. Un rappel que la lumière existe. Même dans les couloirs d’une clinique.