Armelle. Populaire. Belle. Extrêmement belle ! Des cheveux ondulés bruns qui encadrent un visage fin, un teint pâle, maquillé soigneusement : paupières prunes pour faire ressortir le verts de ses yeux, lèvres dessinées rouge clair mat au pinceau, petit top noir qui laisse entrevoir son ventre plat, parsemé de quelques strass, mini-jupe rouge écossaise, bas résilles, talons aiguilles : elle est prête. Elle peut emballer n’importe qui ! Ce soir c’est son anniversaire, elle fête ses vingt-cinq ans et elle compte bien passer une bonne soirée.
Elle a invité ses amis, tous des mecs, dans son modeste appartement parisien. En prévision, alcool à volonté et musique à fond (les voisins risquent de ne pas apprécier mais elle s’en tape !).
On sonne. Voilà les premiers invités ! Cool ! ça tombe bien, elle vient juste de finir de finir de tout préparer.
« Salut ma belle, dit Jérémy, secrètement amoureux d’elle depuis de nombreuses années.
Derrière lui, cinq autres garçons pénètrent dans l’appartement, la dévorant tous des yeux. Armelle s’en aperçoit et sourit intérieurement.
Elle aime séduire. Elle aime ses regards posés sur ses lèvres, sur ses jambes, sur son cul. Elle aime être désirable et intouchable à la fois, ça la fait kiffer. Détenir le pouvoir sur les hommes : les faire baver tout en gardant le contrôle de la situation : le pouvoir ultime du « sexe faible ».
La soirée se déroule comme prévu : on met la musique, on chante faux, on s’alcoolise, puis vient le moment du déballage des cadeaux : ils se sont tous cotisés pour lui acheter un magnifique sautoir qu’elle s’empresse de mettre à son cou. Il reste un cadeau plus petit, emballé dans une tout petite boîte :
« - vous avez pris le bracelet assorti ? Vous êtes fous ! Il ne fallait pas ! »
Elle ouvre la boîte et découvre à l’intérieur un ruban noir opaque en satin.
Elle sourit :
« C’est sexe ça ! Mais aucun de vous ne l’utilisera avec moi vous le savez ! les nargue-t-elle.
Les voilà donc partis dans la fameuse boîte branchée parisienne. Le décor est sympa : un bar, des tables noires avec des sièges en cuir rouges, et de la musique latino, tut cela sur deux étages. La soirée promet d’être palpitante.
La petite bande de potes prend place à la table qui leur est réservée et commande rapidement une bouteille de tequila et du soda pour l’accompagner.
Après trois verres bus très rapidement Armelle se dirige sur la piste de danse et commence à se déhancher au rythme de la musique.
Jérémy la rejoint et se place derrière elle. Il détache alors le ruban du poignet d’Armelle et lui bande les yeux.
« Qu’est-ce que tu fous Jérem ? On a passé l’âge de jouer à colin Mayar, non ?
Armelle, peu confiante, s’exécute pourtant. Elle sent alors un liquide sucré se répondre dans sa gorge. Du Malibu ! Pur ! Elle en est certaine. Ce goût de noix de coco était trop reconnaissable.
« - Voilà, alors maintenant je t’explique les règles du jeu : tu vas séduire la personne vers laquelle je vais te conduire, tu devras rester avec elle pendant trois mois et la quitter au bout de ce délai.
Jérémy la prit donc par la main et la conduisit, lentement, très lentement, car il n’oubliait pas que sa meilleure amie marchait en talons aiguilles à tâtons les yeux bandés.
Il s’arrêta au bout du bar et lui découvrit les yeux.
Armelle vit en premier un homme d’une trentaine d’années, assez beau gosse d’ailleurs et sourit.
« C’est lui que tu veux que je drague ? Non mais c’est trop facile là !
Armelle scruta alors dans la semi pénombre la personne qui se tenait assise là, devant un verre de whisky, l’air triste : c’était une femme un peu plus jeune qu’elle d’apparence, dans les dix-sept, dix-huit ans, habillée d’un jean blanc et d’un haut noir ample destiné à cacher les rondeurs que l’on devinait dessous.
« - Elle là-bas ? C’est elle que tu veux que j’emballe ? Non mais tu plaisantes ? Je ne suis pas lesbienne moi !
Sue ces mots, Jérémy repartit tranquillement à la table où les autres l’attendaient en rigolant.
Armelle resta un moment dubitative : comment draguer une fille ? ça, elle ne l’avait encore jamais fait…En plus la nana en question ne lui plaisait pas du tout. Cheveux courts, pas maquillée, semblant ne pas prendre soin d’elle, Armelle détestait ce genre de nanas.
Mais bon, elle avait accepté le défi. Il lui fallait donc jouer le jeu jusqu’au bout.
Elle s’avança doucement vers la fille en question puis pris place sur le tabouret vide à côté d’elle.
« - Tu as l’air bien triste… », commença-t-elle.
L’autre la regarda rapidement et ne répondit pas.
« Tu bois un whisky toute seule…pur en plus…, continua Armelle. Tu ne veux pas venir danser un peu ?
La fille sourit.
Armelle se leva alors du tabouret, lui prit la main et l’entraîna dans la foule des danseurs.
Elle commença à se déhancher, passant lascivement les mains dans ses cheveux tandis que l’autre bougeait à peine, passant d’un pied à l’autre, comme tétanisée.
« Allez ! Lâche-toi ! Tu verras ! ça fait du bien !
Sur ce, Armelle grimpa sur le podium libre juste à côté et commença à se déhancher, faisant tournoyer ses cheveux, descendant, remontant lascivement, en mode salope. Les mecs s’étaient rassemblés autour d’elle et la fixaient des yeux avec désir.
Armelle tendit alors la main à la fille et la fit grimper auprès d’elle.
« Fais comme moi ! »
Armelle reprit alors une façon de danser plus lente, bougeant simplement les hanches. La fille l’imita : ça elle pouvait !
Armelle continua ensuite sa danse en passant la main dans ses cheveux.
La fille l’imita en riant, ce jeu commençait à devenir drôle.
Armelle s’approcha alors de la fille, mit ses mains sur ses hanches et continua de danser accélérant lentement le rythme.
La fille se laissa faire et imita Armelle sous les cris de la meute de mecs qui regardaient les deux femmes se rapprocher l’une de l’autre.
Armelle colla alors son corps contre celui de la fille qui se raidit instantanément.
La séductrice descendit lascivement à hauteur de ses genoux puis remonta de manière tut aussi sexy.
« - A toi !
Armelle prit le visage de la fille entre ses mains et déposa un baiser sur ses lèvres.
Autour du podium, les mecs hurlaient d’effervescence.
La fille regarda alors Armelle dans les yeux, hésita un instant, puis posa ses mains sur les hanches de la séductrice et l’embrassa à pleine bouche.
Les hurlements s’amplifièrent. Armelle fermait les yeux. C’était nouveau, c’était étrange, mais pas désagréable, au contraire : elle aimait ça.
Tout en gardant les yeux fermés, elle posa ses mains sur les fesses de la fille qui l’embrassait. Cette dernière se laissa faire.
Le long baiser finit par prendre fin. Les deux filles se regardèrent, un sourire entendu aux lèvres et descendirent du podium.
Armelle emmena ensuite la fille jusqu’à sa table où ses amis l’attendaient.
« - Salut, prononça timidement la fille.
-Salut, moi c’est Jérémy
- Jimmy
- Max
- Mike
- Cédric.
- Enchantée tout le monde, moi c’est Lisa.
- Et bien, bienvenue dans notre microcosme Lisa, assieds-toi, ne reste pas debout ! » l’invita Jérémy.
Le reste de la soirée se déroula entre rires, danse et alcool.
A la fermeture, ils regagnèrent l’appart d’Armelle, le plus proche à pieds, tous plus pintés les uns que les autres.
Armelle entraîna alors Lisa dans sa chambre, laissant les garçons s’organiser comme ils le souhaitaient pour dormir entre le canapé et les fauteuils.
Armelle et Lisa se déshabillèrent pudiquement, malgré l’alcool, l’une devant l’autre puis se mirent au lit.
« Je n’ai jamais fait l’amour avec une fille, osa Lisa.
Leur première nuit fut bien sûr maladroite mais chacune y trouva son compte malgré tout.
Quand elles se réveillèrent le lendemain, aux alentours de midi, les garçons étaient repartis.
Elles discutèrent longuement de la soirée de la veille, de la nuit qu’elles avaient passée ensemble, échangèrent leurs numéros de téléphone et décidèrent de se revoir d’ici deux à trois jours, le temps de digérer cette nouveauté pour l’une comme pour l’autre.
Mais les trois jours se passèrent au téléphone, entre coups de fils et SMS.
Armelle put ainsi constater que Lisa avait beaucoup d’humour, était instruite et intelligente, autant de qualités qu’elle appréciait chez les hommes d’habitude.
Mais après tout, qu’est-ce que cela changeait vraiment finalement ? Homme, femme : une personne était une personne avant d’être un corps avec un sexe non ? Alors, serait-elle devenue subitement bi ? L’avait-elle toujours été ? Ou bien ne l’étions pas nous tous ?
Contre toute attente, Armelle se prit d’attachement pour Lisa. Sa sensibilité, son talent artistique pour le dessin, ce côté passionné qu’elle avait dans la vie comme au lit…Merde ! Elle était en train de tomber amoureuse ! Et la fin des trois mois approchait !
Comment allait-elle faire ?
Elle n’avait pas envie de la blesser, elle n’avait pas envie non plus de la quitter, mais elle s’y état engagée. Satané Jérémy et ses idées à la con aussi !
Trois mois, ça y était, il fallait trouver une solution…
Armelle décida alors d’en trouver une : elle invita Lisa dans un restaurant réputé de la capitale, puis lui offrit une nuit magique.
Lorsque Lisa se réveilla le lendemain matin, Armelle était déjà partie : elle trouva une lettre sur la table de chevet.
Je te laisse parce que je t’aime, et ça me fait trop peur.
Lisa tenta d’appeler Armelle, lui laissant des messages sur son répondeur, des textos, mais rien n’y fit.
Elle n’eut plus jamais de nouvelles d’elle.