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Une vie comme beaucoup d’autres, peut-être…
Deux mois d’oubli heureux

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Chapitre  8 Deux mois d’oubli heureux

 

Il est appelé en novembre 1979. Il fait ses classes à Fontainebleau.

 

Mais juste avant, il y a Paris.

Il faut en parler.

 

C’est la première fois qu’il visite cette ville. Avec Olivier.

Un seul jour. Mais ce jour-là, tout bascule.

Pas pour Olivier.

Pour Paris.

 

Il tombe amoureux de cette ville comme un enfant tombe amoureux d’un décor de rêve.

Les rues, les toits, la lumière…

Il n’en revient pas. Il croyait que ça n’existait que dans les films.

C’était là.

Paris.

En vrai.

Il n’a vu qu’un aperçu, mais ça suffit.

Il le sait : un jour, il y vivra.

 

Puis vient l’armée.

 

Fontainebleau, deux mois de classes.

Il croit que ça va être dur, brutal, humiliant.

Mais non.

C’est peut-être les deux plus beaux mois de sa vie.

Ils sont tous au même niveau.

Même tenue, même réveil à cinq heures, même foulée dans la forêt glacée.

Camaraderie.

Pas de moqueries. Pas de chefs sadiques.

Juste des jeunes hommes qui découvrent un monde nouveau.

Ensemble.

 

Il marche, il court, il rit.

Il dort sous la tente, malgré les -5°C.

Il découvre le baby-foot, le billard, le bar des appelés.

Il ne fume pas, mais il garde quand même ses cigarettes de la cartouche mensuelle.

On ne sait jamais.

 

Il touche une petite solde. 200 francs.

Et ça suffit.

 

Il s’attache à certains camarades, même s’il a oublié leurs noms.

Il y en a un, barbu, toujours un peu théâtral.

Sur les photos de groupe, il aime le prendre sur ses genoux.

Ils posent, ils rient.

C’est bon enfant.

C’est presque des vacances, ces deux mois-là.

Deux mois d’oubli. Deux mois de respiration. Deux mois de bonheur simple.

 

Il n’a rien à dire de plus.

Juste que c’était bien.

 

Chapitre 7 (suite) – L’éveil sous l’uniforme

 

Les classes sont terminées.

On se dit au revoir, à certains pour toujours.

Mais il y a eu quelque chose, là-bas. Un vrai moment de fraternité.

Un intermède heureux, comme un soupir dans une partition agitée.

 

Il part pour Paris.

École militaire.

Messe des officiers, juste en face de la Tour Eiffel.

 

Son adjudant-chef est de la même région que lui.

Alors il hérite d’un bon poste, celui de chef barman.

Une petite passe-droit régionale, comme souvent.

 

Tout se passe bien.

 

Mais il découvre une chose : les militaires, surtout les gradés, boivent.

Tout le temps.

Champagne au petit déjeuner, digestifs en série, banquets qui n’en finissent pas.

Il sert, il observe, il apprend.

 

La vie à la caserne est plutôt agréable. Les dortoirs sont confortables.

Les appelés font la cuisine. Lui, il est au bar. Il a même un aide.

 

Et puis un jour, il rencontre Corinne.

La nièce de l’adjudant-chef.

 

Elle vient passer quelques jours à Paris. Elle sort avec un autre appelé.

Mais quand elle rentre chez elle, c’est lui qui l’accompagne en train.

Trois heures et demie de trajet. Trois heures et demie de confidences.

Il n’a jamais autant parlé avec quelqu’un.

C’était tendre. C’était fort.

Un mélange d’innocence et de maturité.

 

Quand il arrive chez lui, sa mère lui dit :

— Tu as une drôle de tête.

Il répond :

— J’ai rencontré une fille. Elle s’appelle Corinne.

 

Il achète une voiture pour pouvoir la voir en permission.

Ils se revoient. Ils sortent. Les parents s’emballent. Des deux côtés.

On parle déjà de mariage.

 

Mais non.

 

Ce n’est pas ça.

C’est elle qui le dit un jour, sans méchanceté :

— Je crois que tu es homosexuel.

 

Il ne répond pas. Mais il sait qu’elle a raison.

La relation s’arrête là.

La vie reprend.

 

Et puis, un soir, il sort en boîte avec sa sœur.

Il danse. Et il le voit.

Christian.

Un garçon en salopette bleue turquoise.

Un sourire immense.

Un visage lumineux.

Un corps joyeux.

 

Le coup de foudre.

 

Il n’a d’yeux que pour lui.

Mais Christian, lui, ne regarde que sa sœur.

C’est elle qu’il invite. C’est avec elle qu’il sortira.

 

Alors, lui, il accepte. Il sourit. Il fait semblant.

Il passe tous ses week-ends de permission avec eux.

Mais c’est pour Christian qu’il vient.

 

Il a tout juste 18 ans.

Et il est beau. Vraiment beau.

 

L’été approche.

Christian propose à sa sœur de partir en Bretagne, quinze jours, chez ses grands-parents.

Mais elle travaille, elle ne peut pas.

 

Lui, il est là. Disponible.

Alors il propose :

— Moi, je peux prendre mes jours. Si tu veux, je viens avec toi.

 

Marché conclu.

 

Il prendra le train pour Brest.

Christian l’attendra à la gare.

Ils iront ensemble dans ce petit village de la presqu’île de Crozon, à L’Anveoch, chez sa grand-mère.

 

Il est impatient.

Il ne sait pas ce qu’il attend.

Il sait juste qu’il va partir avec Christian.

Et que tout cela pourrait peut-être… changer quelque chose.

Publié le 19/07/2025 / 62 lectures
Commentaires
Publié le 22/07/2025
Une vie tumultueuse avec des hauts et des bas comme un manège à sensation sous forme de grand-huit, qui fait fermer les yeux, les font se rouvrir, tête à l’envers, coeur en suspension…
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