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Une vie comme beaucoup d’autres, peut-être…
Le Palace, la Débâcle, une Famille d’accueil

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Chapitre 10 – Le palace et la débâcle

Il termine son service militaire en novembre 1980. Il en sort cassé, vidé, incapable même de pleurer. Il n’a plus de questions. Juste le silence. Il faut bien continuer.

Alors il trouve un emploi dans un palace parisien. Le nom brille, mais l’accueil est froid. Les jeunes employés se vouvoient entre eux. Tout est distant. Il s’adapte, comme toujours. Il travaille. Il fait de son mieux. Sans plaisir. Sans lien.

 

mIl sort beaucoup. Rencontre des hommes. S’égare un peu. Il croit explorer, mais il ne ressent rien. Il ne supporte même pas d’être touché. Ce sont des gestes vides. Une cigarette qui se consume jusqu’au filtre. Un besoin plus qu’un désir. Une fuite, peut-être.

il ne supportera plus jamais que quelqu'un le touche ou lui dise "je t'aime", même pas être pris dans les bras de quelqu'un, ni être embrassé. Seul Christian qu'il n'oubliera jamais. 

Un jour, il croit que quelque chose commence. Il déménage chez quelqu’un. Un petit studio partagé à quatre. Il est le seul à travailler. Il fait les courses, mais quand il rentre, il n’y a rien pour lui. Il comprend. Il s’en va.

Et il trouve enfin un petit studio, rien qu’à lui. Dix-huit mètres carrés de calme et d’intimité. Une salle de bain, une kitchenette, un toit sur sa tête. Un début, peut-être. Il continue à travailler dans le palace pendant un an.

Jusqu’au jour où une grève se prépare. On lui demande s’il veut suivre. Il dit oui, par solidarité. Il donne sa parole. Le directeur le convoque : « Vous savez que si vous faites grève, c’est votre dernière carte. » Il répond : « J’ai donné ma parole. »

Mais le jour venu, personne ne l’a prévenu que la grève était annulée. Il se retrouve seul sur le trottoir. Encore une fois, trahi par des adultes.

Il est licencié.

Il retrouve un poste, pour trois mois. Puis un jour, il pousse la porte d’un hôtel en construction. Tout est à faire. Il postule. On l’embauche sur-le-champ. « C’est le petit blond ? » demande la directrice. « Oui. »

Il est pris.

Il participe à l’ouverture de l’hôtel. Tout est nouveau. L’ambiance est bonne. Même un directeur régional semble l’apprécier — un peu trop. Il vient parfois chez lui, discrètement, laissant un billet sur la table de nuit. Ça le trouble, mais il se dit que c’est peut-être une forme de bienveillance, ou de pouvoir. Il ne sait pas.

Pendant cinq ans, l’hôtel devient sa famille. Une vraie. On rit, on partage, on sort ensemble. Pour la première fois, il se sent entouré, accepté, aimé même, un peu.

Et puis un jour, tout s’arrête. Le bail n’est pas renouvelé. On ferme.

On leur demande de démissionner.

Et c’est une déflagration. Un nouveau vide.

Un nouveau départ à chercher.

Encore.

Il cherche à nouveau du travail. Rapidement, l’argent manque. Alors il fait le trottoir. Un peu. Juste ce qu’il faut pour manger. Il n’en est pas fier, mais il ne veut pas voler, ni mendier. Il faut bien survivre.

Il trouve un petit poste dans un restaurant, mais il ne s’y sent pas à sa place. Il part.

Puis un poste de chef de réception dans un hôtel chic, Rive Gauche. Il n’y restera qu’un jour.

Un seul jour.

Le temps d’être insulté, humilié, traité de « tapette » et de « sidaïque » par une direction abjecte.

Il en ressort sonné. Une fois de plus.

Puis un autre hôtel. Cette fois, c’est sur les Champs-Élysées. Une ouverture.

Il y croit encore.

Mais il est seul à tout faire : accueillir, encaisser, répondre, gérer…

Le stress devient insoutenable.

Il ne tient que 15 jours

Le dernier jour, il se lève avec un poids énorme sur les épaules.

Il se rend à l’hôtel, fait sa caisse, laisse tout en ordre, puis écrit un mot :

« Je suis désolé, je ne peux pas rester. »

Et il s’en va.

Il rentre chez lui. En larmes. En vrac.

Il ouvre une bouteille de whisky.

Il écoute  Dalida.

Et il boit.

Les chansons le traversent comme des poignards lents. Il pleure. Il s’effondre.

Il appelle une amie. Elle comprend. Elle envoie SOS Médecins.

Le médecin arrive. Il voit un homme ivre. Il ne voit que cela. Il ne reste pas.

Il repar en disant "je ne peux rien pour vous"

 

Un ami de Bordeaux passe. Mais ce n’est pas un ami.

Il voit l’état dans lequel il est.

Il fait demi-tour. Il fuit. Lui aussi.

Deux fois il aurait pu être aidé et hospitalisé! 

Il appelle sa sœur. Il pleure. Il supplie.

Elle dit qu’elle va venir.

Elle vient.

Avec son mari. En pleine nuit.

Il dit qu’il va prendre une douche.

Il a déjà les pilules desomnifères dans la poche.

Il entre dans la salle de bain.

Il ferme la porte.

Il boit.

Puis —

Le noir.

Total.

 

Publié le 19/07/2025 / 62 lectures
Commentaires
Publié le 22/07/2025
La lente redescente aux enfers, aussi loin que le permet le désespoir.
Publié le 22/07/2025
Oui Léo et pourtant il pense (sans vraiment le savoir) que c’est son destin, que ce qui lui arrive doit arriver, qu’il y aura un tournant, forcément. Cependant Il avait toujours dit si à 30 ans il n’avait pas une vie amoureuse ou une vie professionnelle, il se supprimerait.
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