Le Comte de Monte-Cristo Tome 4 - Alexandre Dumas

Monte-Cristo poussa un cri de joie en voyant les deux jeunes gens ensemble. « Ah ! ah ! dit-il. Eh bien, j’espère que tout est fini, éclairci, arrangé ? —Oui, dit Beauchamp, des bruits absurdes qui sont tombés d’eux-mêmes, et, qui maintenant, s’ils se renouvelaient, m’auraient pour premier antagoniste. Ainsi donc, ne parlons plus de cela. —Albert vous dira, reprit le comte, que c’est le conseil que je lui avais donné. Tenez, ajouta-t-il, vous me voyez au reste achevant la plus exécrable matinée que j’aie jamais passée, je crois. —Que faites-vous ? dit Albert, vous mettez de l’ordre dans vos papiers, ce me semble ? —Dans mes papiers, Dieu merci non ! il y a toujours dans mes papiers un ordre merveilleux, attendu que je n’ai pas de papiers, mais dans les papiers de M. Cavalcanti. …

Le Comte de Monte-Cristo Tome 3 - Alexandre Dumas

Le comte de Monte-Cristo entra dans le salon voisin que Baptistin avait désigné sous le nom de salon bleu, et où venait de le précéder un jeune homme de tournure dégagée, assez élégamment vêtu, et qu’un cabriolet de place avait, une demi-heure auparavant, jeté à la porte de l’hôtel. Baptistin n’avait pas eu de peine à le reconnaître ; c’était bien ce grand jeune homme aux cheveux blonds, à la barbe rousse, aux yeux noirs, dont le teint vermeil et la peau éblouissante de blancheur lui avaient été signalés par son maître. Quand le comte entra dans le salon, le jeune homme était négligemment étendu sur un sofa, fouettant avec distraction sa botte d’un petit jonc à pomme d’or. En apercevant Monte-Cristo, il se leva vivement. « Monsieur est le comte …

Le Comte de Monte-Cristo Tome 2 - Alexandre Dumas

  Lorsque Franz revint à lui, les objets extérieurs semblaient une seconde partie de son rêve ; il se crut dans un sépulcre où pénétrait à peine, comme un regard de pitié, un rayon de soleil ; il étendit la main et sentit de la pierre ; il se mit sur son séant : il était couché dans son burnous, sur un lit de bruyères sèches fort doux et fort odoriférant. Toute vision avait disparu, et, comme si les statues n’eussent été que des ombres sorties de leurs tombeaux pendant son rêve, elles s’étaient enfuies à son réveil. Il fit quelques pas vers le point d’où venait le jour ; à toute l’agitation du songe succédait le calme de la réalité. Il se vit dans une grotte, s’avança du côté de l’ouverture, et &agrav…

Le Comte de Monte-Cristo Tome 1 - Alexandre Dumas

Le 24 février 1815, la vigie de Notre-Dame de la Garde signala le trois-mâts le Pharaon, venant de Smyrne, Trieste et Naples. Comme d’habitude, un pilote côtier partit aussitôt du port, rasa le château d’If, et alla aborder le navire entre le cap de Morgion et l’île de Rion. Aussitôt, comme d’habitude encore, la plate-forme du fort Saint-Jean s’était couverte de curieux ; car c’est toujours une grande affaire à Marseille que l’arrivée d’un bâtiment, surtout quand ce bâtiment, comme le Pharaon, a été construit, gréé, arrimé sur les chantiers de la vieille Phocée, et appartient à un armateur de la ville. Cependant ce bâtiment s’avançait ; il avait heureusement franchi le détroit que quelque secousse volcanique a creusé entre l’île de …

Marc de sorcellerie

  Dès l’aube au bord du lac des ficelles d’émail Poussent dans les roseaux frôlés par la banquise Que des anneaux de sable attachent à la bise Comme le velours noir d’un fabuleux camail.   Des ruisseaux de soleil sertis de pur corail Bou…

Ania et Saïd

          Je m’appelle Ania. Derrière mon guichet, derrière mon uniforme, derrière mon plexi, rien ne peut m’arriver, tout est sous contrôle. La salle est récente et propre, bien propre aussi parce qu’elle est vide. Au sol, c’est du béton lissé, les …

Vasques d'ivoire

  Enveloppant la nuit d’un parfum d’aubépine L’ange à son souffle d’or pousse un fruit de coton Vers l’horizon drapé dans un creux de feston Comme du sucre d’orge à la fleur de glycine.   Des vitraux chatoyant dans de la nougatine Cachen…

A la montagne

  Il se tenait debout devant la cheminée éteinte, se demandant pourquoi il était revenu dans cette maison de famille, inoccupée depuis la mort de ses parents, quarante ans plus tôt. Il avait vu dans le jardin, un carré de légumes, se dit, dé…

Piastre de singe

Ils vont vers leurs plaisirs comme ils vont vers la mer Les bras chargés de sable et le cœur plein de haine En oubliant le vent les flocons et la laine Que des rides de sel couvrent d’un goût amer.   Ils échappent aux mots et aux bruits de l’enf…

Le Horla - Guy de Maupassant - 1887

8 mai. — Quelle journée admirable ! J'ai passé toute la matinée étendu sur l'herbe, devant ma maison, sous l'énorme platane qui la couvre, l'abrite et l'ombrage tout entière. J'aime ce pays, et j'aime y vivre parce que j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l'attachent à ce qu'on pense et à ce qu'on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l'air lui-même. J'aime ma maison où j'ai grandi. De mes fenêtres, je vois la Seine qui coule, le long de mon jardin, derrière la route, presque chez moi, la grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateaux qui passent. A gauche, là-bas, Rouen, la vaste vil…