Monsieur Le Procureur, quel suspense toutefois avant cette levée d'écrou…
J'ai eu très peur que cette levée d’écrou n'ait jamais lieu et qu'ANL ne puisse jamais rentrer chez lui.
Où ça chez lui d’ailleurs ? Quelqu’un l’attend-il quelque part ?
S’il rentre quelque part, il est fort probable qu’il ne soit moins seul sur terre qu’il ne le pense. D’un probable carnet d’adresse ancien peuvent resurgir des contacts passés.
Sa vie fut si imprévue qu’il a probablement des enfants dont il ignore jusqu’à l’existence. Peut-être est-ce mieux pour ses enfants -s’il en a- qu’ils ignorent son existence dans les moindres détails. Au contact de ce genre de personne, moins on en sait, mieux on se porte.
En tant qu’intervenante dans les ateliers d'écriture de sa prison je vous remercie pour cette levée d'écrou qui a défaut de rendre la vie à tous les morts de cette histoire rendra à ANL la liberté de prendre ses responsabilités en toute lucidité.
Bien sûr, ce meurtre sera toujours plus odieux que ce que l'on voudra bien en écrire. Cependant, d’après son psychiatre, écrire pouvait lui éviter des ruminations anxieuses qui le pousseraient vers un geste suicidaire. Son risque suicidaire semble élevé même si les moyens létaux ont été écartés (notamment le miroir avec lequel il comptait se tailler les veines).
Rendre possible le récit de soi-même en prison est un défi : pour revivre hors les murs, il fallait qu'ANL puisse se raconter et ordonner le chaos qui l'habitait en une histoire avec un début, un milieu et une fin.
Le meurtre après la sidération qu’il décrit a eu la force d’une bombe à retardement. L’homicide a éclaté sa conscience en mille morceaux où reviennent sans arrêt la tête du mort, les phrases de son Carmelo, les discours de ses frères comme les éclats d’un miroir brisé. Je trouve son âme brisée. Il débite l’ensemble de ses souvenirs d’une voix si rapide que l’on peine à suivre le fil de son histoire. Quant au milieu carcéral, on peut dire qu’il lui a ôté ce qui lui restait de force de vie.
Ce petit mot pour vous dire qu'après avoir joint à la lettre d'ANL le courrier de son psychiatre, j'étais extrêmement inquiète pour lui.
Je suis A.E. Myriam et j'interviens comme bénévole dans l'atelier qu’il évoque à la fin de sa lettre. Mon rôle de volontaire au sein de l’association L***C**** consiste à aider les détenus à se réinsérer dans la société. Par ma formation initiale, je les aide surtout dans leur rapport à l’écrit : CV, lettres, club lecture. Certes, aider ANL à mettre en forme cette lettre ne fut facile, ni pour moi, ni pour lui : il fallait l'aider à accoucher d'un récit pour placer des mots sur l’horreur. Si l’on veut, on peut appeler cela accoucher de la vérité. Quoi qu’il en soit, ce travail, comme celui de l’enfantement est parfois si douloureux que les gens préfèrent se mentir à eux-mêmes pour survivre. Qui voudrait de la vérité au prix de la folie ?
Salut,
Juste un petit mot en passant pour te dire que j'aime beaucoup ce texte écrit d'une si belle écriture si personnelle.
Te dire également que:
- je voulais t'envoyer un mp mais ça ne marche pas (sur mon profil tu as ma page facebook si tu veux)
- je voulais lire ton texte "Vincent" mais il est interdit aux moins de 18 ans....or comme ma date de naissance l'indique, j'en ai....40! Donc ça ne marche pas lol!
A bientôt
Vickie
J'aime beaucoup cette sérénité de l'aurore avant que la journée ne commence vraiment, regarder l'aube pleine de promesse en s'éveillant. Cette impression-là, je la trouve condensée dans "Ce matin, le givre étincelle dans les prés/Je savoure ma première tasse de café". Autant dire que je n'ai pas senti venir le cri. Je le trouve beau et je l'aime ce cri, il est plein d'empathie.
Non je ne m'attendais en rien à être déçu. Mais votre prose, précisément, me touche beaucoup. Elle représente mon adn d'auteur. Et il n'est pas simple de travailler et de modeler la simplicité. J'ai observé de plus prés votre écriture, et j'y ai vu le travail accompli, cette frontière si fine entre le langage parler populaire et le travail littéraire. Un grand bravo mérité chère Allegoria.
Vous lire n'a pas tardé ! Les deux écritures se complètent et c'est décidément intéressant d'avoir lettre et réponse l'une à la suite de l'autre :) Merci Fabien
Cette pluie de compliments est sans doute un peu due au fait que vous vous attendiez à être déçu :) quoi qu'il en soit, je prends avec plaisir : les critiques positives ont toujours le pouvoir de booster ! Quant à Rose, j'ai cherché à ne pas la stigmatiser. Je suis touchée que vous ayez pu y être sensible. Merci encore. Au plaisir de vous lire !
Alors questionnons-nous. Êtes vous après ces 13 ans un danger pour la société. Au vu l'objectivité de vos propos, je ne le crois pas. Je ne le crois plus. Vous avez grandi autant qu'il vous a été possible de le faire ici. J'ai le plaisir de constater qu'une belle maturité vous anime aujourd'hui. Une maturité qui vous pousse à déclarer justement que votre vie ici ne sert à rien. Une maturité qui met le juge que je suis devant les paradoxes de la justice qu'il sert. Car si nous vous avons incarcéré pour le crime commis, force de constater que votre vie enfouie entre ces murs ne paiera jamais celle du mort que vous avez fait. Ce drame a déjà fait bien assez de mort. Il a tué cette homme autant que l'enfant que vous étiez alors. Quant à l'homme que vous pourriez devenir, à vous de lui donner corps à présent. Construisez-vous pierre par pierre, du mieux possible. Prenez ce nouveau départ comme une rédemption. Faites de votre vie un enchantement, vous qui êtes vivant. Et n'oubliez jamais que si un jour la vie vous semble merveilleusement belle, vous le devrez à cet homme qui n'est plus parmi nous.
J'autorise votre levée d'écrou.
Tout d'abord j'aimerais dire que l'on ne choisit pas sa famille. La vôtre de par ses choix de vie illicites ne vous aura bien sûr pas montré le droit chemin. J'aurais aimé que la sincérité dont vous faites preuve ici ait résonné en vous bien plus tôt, bien avant le drame qui vous a conduit en prison. Si vous aviez été aussi sincére avec votre famille, vous vous en seriez désolidarisé avec franchise. Vous auriez pu vivre une autre vie que celle de l'enfermement. Mais l'on ne peut revenir en arrière. C'est ainsi. Le mal est fait. Alors en ma qualité de juge, me voici devant l'épineux problème de statuer sur votre devenir. Quelle charge éthique quand on y pense. Mais la société a besoin de réponses satisfaisantes.
Bonjour Monsieur,
j'ai pris connaissance de votre demande de liberté conditionnelle. Mais avant de vous faire part de ma décision, je voudrais à mon tour vous parler de nombre de choses. Tout d'abord, je vous remercie de ne pas m'avoir demandé un pardon que je n'aurais su vous accorder.
Et c'est bien cela l'écriture: oser, créer, jouer d'audace et de liberté.
Merci Allegoria. Il y a des moments comme cela où l'on est heureux de se sentir tout petit.
Eh bien, chère Allegoria, vous qui pensiez me décevoir. Hors sujet? Comment donc! Le sujet est parfaitement maîtrisé, même si vous avez fait le choix d'une certaine liberté. Vous m'avez emporté, embarqué, déboussolé. Je ne m'attendais pas à ce contrepieds de haut vol. votre prose minutieusement travaillée dans cette simplicité si difficile à rendre sur le papier sans tomber dans le vernaculaire. Cette prose est bouleversante. Elle rend hommage aux gens de peu avec tant de respect, elle est à ce point dans la vérité des personnages, que l'on regrette juste qu'elle n'étaye pas un roman en entier.
« À ce moment-là, je crois qu’il a compris qu’il allait mourir alors que moi je n’avais pas encore compris que j’allais le tuer. », je trouve cette phrase puissante pour défendre la thèse de la non préméditation. À moins que ce texte ait été écrit pour une autre raison que le défi proposé, je suis bluffé par la taille de votre production ainsi que le sens du détail, que ce soit des lieux mais aussi dans les interactions : votre capacité à prendre la place de vos protagonistes avec brio est une nouvelle fois démontrée. Merci beaucoup.
J'ai été surprise par le parallèle que vous faites avec Les Liaisons dangereuses. Les lectures sont plurielles, c'est ce qui en fait souvent l'intérêt.
Je trouve ce montage épistolaire très beau. La voix pour commenter le désastre est belle et tient bien le rôle du milieu. Cette personne un peu extérieure qui peut relater le drame a la sagesse d'une sorte de Madame de Rosemonde: elle fait l'état des lieux à la fin des Liaisons D. La prison, c'est bien pour écrire sur la dangerosité des liaisons justement.
Bonjour, je viens de lire les deux lettres de ce défi celle d'Allegoria et celle de Lou ange... et aussi bien sûr car je suis curieuse, tous les commentaires . Qu'écrire de plus... émotions ressenties... Et si c'était vrai????? Peut-être essayer une lettre... mais en serai-je capable? Je ne sais pas... Si j'en écris une.... monsieur le juge ... vous ne serez pas trop sévère hein.... à suivre kissous tout le monde