Piastre de singe

Ils vont vers leurs plaisirs comme ils vont vers la mer Les bras chargés de sable et le cœur plein de haine En oubliant le vent les flocons et la laine Que des rides de sel couvrent d’un goût amer.   Ils échappent aux mots et aux bruits de l’enf…

Le Horla - Guy de Maupassant - 1887

8 mai. — Quelle journée admirable ! J'ai passé toute la matinée étendu sur l'herbe, devant ma maison, sous l'énorme platane qui la couvre, l'abrite et l'ombrage tout entière. J'aime ce pays, et j'aime y vivre parce que j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l'attachent à ce qu'on pense et à ce qu'on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l'air lui-même. J'aime ma maison où j'ai grandi. De mes fenêtres, je vois la Seine qui coule, le long de mon jardin, derrière la route, presque chez moi, la grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateaux qui passent. A gauche, là-bas, Rouen, la vaste vil…

Sotie sans suite

Un ogre descendu d’un ciel de pacotille Dévorait le mouchoir d’un chardon qui pleurait Car un tabellion par orgueil le leurrait En le faisant cousin d’une blonde jonquille.   Emu par la douleur d’une fleur si gentille Un âne bon enfant que le p…

Leur rêve de marbre.

           On m’a pris en flagrant délit à peindre peu vêtu au théâtre royal de Namur ! J’en ai un peu marre de foutre en l’air mes T-shirts ou mes pantalons en les maculant de peinture, alors, pragmatique, je me mets en slip parce que le tissu le pl…

Orientales en fleurs

Cette flaque de cire où bout l’éternité Vacille comme un fleuve épuré de sa lave Que des cris de soleil échappés d’une épave Couvrent d’or et de boue en toute vanité.   Des palmiers alourdis par la sérénité D’une oasis éteinte aux lèvres …

Cénotaphe royal

Un serpent de soleil au sommet du beffroi Regarde un jour mourir et la nuit mise en bière Dans un chiffon de feu qu’un éclat de lumière Enflamme d’un soupir dérobé de l’effroi.                        Passant la porte d’or et le chas de l’oc…

Avant la vie

  LA FAUTE Nous vivions heureux dans ce que vous, humains, appelleriez le Paradis, dans ce que vous, croyants, souhaitez après. Nous n'obéissons pas aux mêmes règles que vous, n'avions pas les mêmes systèmes de valeurs, nous n'avions pas comm…

Impassible mensonge

La terre s’est ouverte aux cascades d’acier Et rougit le pavé des ruelles sans âme Où se couche un vieillard sur un tapis infâme Dont la peau éculée attise un créancier.   Comme chaque seconde au bout d’un balancier Le regard du clochard …

Les chants de Maldoror - par le Comte de Lautréamont

Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu’il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison ; car, à moins qu’il n’apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d’esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l’eau le sucre. Il n’est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par conséquent, âme timide, avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes inexplorées, dirige tes talons en arrière et non en avant. Écoute bien ce que je te dis : dirige tes talons en arrière et non en avant, comme les yeux d’un f…

Sucre de songes

La poésie est l’art de trancher le silence En touchant du regard le bord de l’univers Où repose parfois dans des restes de vers La peau d’un souvenir d’une ample violence.   Les couleurs et les mots sans autre équivalence Que celle dont l…