Farine de savon

Des lettres de sirop brûlant la grenadine Au bout d’un baiser fou rempli de boniments Ecrivent une histoire aux riches sentiments Que la lune en colère trouve très anodine.   En cousant des cercueils d’un fil de pyridine Elle suit la laideur de…

Un aller sans retour (8)

Quelques semaines après, André retourne au cimetière de Thiais, c’est le rythme sur lequel il s’est entendu avec l’association ; assister, dans la mesure du possible, à un hommage tous les deux mois. Les tombes des personnes sans chez soi se succèdent dans le carré de la Fraternité qui leur est réservé. En passant devant celle d’Alice, il voit que les chrysanthèmes jaunes qu’ils y avaient déposés sont maintenant fanés ; il repassera après la cérémonie d’aujourd’hui pour les enlever. Il la remercie silencieusement de lui avoir permis de retrouver Alicia. C’est là, devant la tombe d’Alice, qu’il décide que désormais, quand il pensera à Alice ou parlera d’elle, il dira Alicia, car si l’Alice de sa jeunesse n’est plus, Alicia, elle, est bien vivante. Quand il se rendra au siège de l’association pour y déposer le compte-rendu après l’hommage de ce jour, il ira voir la personne de permanence pour savoir si on a réussi à retracer la vie d’Alice, et à retrouver et joindre sa famille.

Un aller sans retour (7)

Une fois arrivé à l’appartement, il ouvre le canapé, fait une toilette rapide et se couche. Le lendemain matin, il doit prendre le train à dix heures. Après une nuit de sommeil agité, il se lève, s’habille rapidement, met les derniers vêtements sales dans la valise, prépare un café avec la machine. Il laissera les capsules restantes pour les prochains voyageurs de passage ; en revanche, bien qu’il n’aime pas gaspiller, il jettera les chips et ce qui reste dans le frigo à la poubelle, qu’il descendra au dernier moment, quand Marie-Claude sera arrivée pour récupérer les clés. À neuf heures, elle l’appelle, elle est en bas, devant la porte de l’immeuble. Il met le sac à dos sur ses épaules, dépose le sac poubelle et sa valise sur le palier, vérifie que toutes les lumières sont bien éteintes, ferme la porte et descend. Il lui donne les clés, la remercie, et ils s’embrassent comme de vieux amis avant de se saluer. André remonte la rue pour se rendre à la gare. Marie-Claude le regarde partir…

Un aller sans retour (6)

André se sent soulagé, comme si un poids qu’il avait toujours eu sur la poitrine lui avait été retiré. Il se demande pourquoi avoir remis à demain sa réponse à Alice, c’est clair pour lui qu’il ne partira pas en Espagne pour la rencontrer. Alice n’est plus Alice, elle est devenue Alicia depuis longtemps. Il se sent lâche, comme s’il n’assumait cette décision. C’était pourtant bien lui qui avait tout fait pour la retrouver et, maintenant, il allait se défiler de manière indélicate. Il avait fait de la peine à Élisabeth, il avait importuné tout le monde avec sa quête. Il s’était monté la tête tout seul avec cette histoire d’investigation et de retrouvailles. Il fait une toilette rapide, met son pyjama, déplie le canapé et s’allonge. Bien qu’il se sente maintenant ferme dans sa décision, il sait qu’il va avoir du mal à s’endormir, il reprend la lecture du roman policier qu’il a commencé quelques heures auparavant jusqu’à ce que ses paupières se ferment. Il éteint alors la lumière et plong…

La chartreuse de Parme, de Stendhal

Lisez La Chartreuse de Parme pour goûter à l’art de Stendhal, entre passions fougueuses, fresque historique et quête de liberté. Ce roman mêle destin individuel et souffle épique, révélant la beauté de l’Italie et la complexité des élans du cœur humain.

Tourbe de miel

Aux pétales d’un cierge ourlé de galuchat Pendent des cris de vent humant sur la banquise De précieux parfums dont la foudre se brise Sur des pics de cristal comme un triste crachat.   La rumeur de la pluie à son poids de rachat Bourdonne autou…

Quand le couperet tombe

Quand le couperet tombe   Il y a un moment où ça bascule. On ne sait pas exactement quand. Un mot de travers, un frottement, et la famille ferme la porte en douce. Les messages se ratatinent, jusqu’à n’être plus qu’un pouce levé. Un pouce sec…

Bouches de cuir

Des miettes de cirage offertes comme un songe Rongent de leur noirceur les murailles d’un port Où se blottit encore un timide renfort Venu de l’océan dans lequel le vent plonge.   Presque sans souvenir et sans aucun mensonge Des bruits de rails…

Toise à bougies

Descendu d’un soleil où brûle le cristal Le feu divin de l’astre éblouit de sa manne Les ombres qu’ensorcelle un étendard de banne Jeté sur le toit noir d’un sinistre hôpital.   Des outres contenant des gouttes de métal Brisent de leur poids mo…

si la nuit ne tombe pas

Première Partie. Sourde colère Antoine Trois juillet 1995. Trente ans et dix mois avant la disparition d’Alice Courseulles. Aucun objet, aucune personne, aucune forme, aucun principe ne sont sûrs, tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais interrompue. Robert Musil Pas un nuage dans le ciel quand la main de Jane se glisse dans la mienne. La vieille vient de partir pour le marché d’Amiens, c’est le moment pour ma sœur et moi de rejoindre notre cabane secrète au bois de la Praie. Nous passons toujours les deux mois d’été chez les parents de ma mère, éleveurs de porcs près d’Amiens. Tous les mercredis, la vieille vend ses légumes et ses fruits et le vieux livre les porcs à l’abattoir. En l’absence de nos parents, je veille sur la petite. C’est ma mission quand ils partent durant leurs vacances d’été explorer des terres hostiles et inconnues que les vieux nomment « antipodes », et dont nous oublions toujours les noms. Durant les vacances, les parents nous confient à n…