Auteur et lecteur
Biographie : Né à Prades en 1952, Francis Etienne Sicard Lundquist se passionne dès l’adolescence pour la littérature, en particulier pour Marivaux et Marcel Proust. Des études en Lettres classiques le conduisent à Lyon où il complète sa formation d’enseignant. Il n’exercera ce métier que brièvement puisqu’il rejoint Berlin en 1977 pour y résider pendant plusieurs années. Il y écrit son premier texte en prose Le Voyage Bleu. Après plusieurs séjours à Antibes et à Nice, il quitte Berlin pour se mettre au service d’une famille aristocratique allemande avec laquelle il voyage en Europe, en Asie et aux États-Unis. Il en rapporte une importante correspondance, caractéristique de son goût pour l’épistolaire. En 1983, il s’installe à Londres d’où il publie trois recueils de poèmes. Il rencontre des artistes, travaille à la refonte d’un monumental projet d’écriture Nuage de bois sec. Devenu proche d’un éminent exégète d’Oscar Wilde, il se consacre à l’étude de l’esthétisme.
Il rejoint le Languedoc en 1998. Il publie quelques textes dans la presse et répond à des appels à écriture, notamment à ceux de France Musique (Contes du jour et de la nuit de Véronique Sauger). En 2011, il crée un blog d’écriture consacré au sonnet de forme classique : Lettres de soie rouge. Proche de l’image, il publie sur la toile ses photographies accompagnées par des textes brefs. Aujourd’hui il élargit son champ d’écriture à la nouvelle et se lance un défi : la rédaction d’une partie de ses mémoires.
BIBLIOGRAPHIE
Vitraux de songe, poésie (sonnets), Ipagination Editions, 2015
Écritoire Vécue, poèmes, Édition Saint Germain des Prés, 1985
Ariane, poèmes, Nouvelles éditions Debresse, 1985
Le Voyage Bleu, roman, Nouvelles éditions Debresse, 1986
Car je suis l’oiseau magnifiquement guidé, poèmes, Le Méridien Éditeur, 1987
D’ailes et de Plumes, nouvelle, ouvrage collectif, Edilivre, 2012
Quatre sonnets, revue Népenthès N°6, décembre 2012
La ville et ses sanctuaires, poèmes, ouvrage collectif, Édition Épingle à nourrice et France Musique, 2013
Le Phénix renaissant de ses cendres, dans Anthologie du sonnet de Richard Vallance, Friesen Press (USA), 2013
POÈMES MIS EN MUSIQUE
Deux sonnets intitulés Deux odalisques : Constantinopolis et Bangkok à l’aube ont été mis en musique sous forme de lied par le chef d’orchestre et compositeur Olivier Penard dans le cadre d’une commande de l’Académie Francis Poulenc.
Première de la création en août 2021, église de Noisy (Indre et Loire). Enregistrement discographique prévu pour 2022.
AUDIOVISUEL
Contes du jour et de la nuit, lectures de Véronique Sauger sur France Musique, de 2008 à 2012
CRITIQUES
Un article écrit par Partryck Froissart, publié sur le site de La Cause Littéraire, 4 septembre 2016
à lire ici
Vitraux de songes, Francis Etienne Sicard Lundquist
Ecrit par Patryck Froissart 30.08.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Ipagination
Vitraux de songes, 2015, 132 pages, 13,60 €
Ecrivain(s): Francis Etienne Sicard Lundquist Edition: Ipagination
Cent vingt-et-un poèmes.
Cent vingt-et-un sonnets.
Cent vingt-et-un morceaux d’architecture.
Francis Sicard fait dans la dentelle (c’est un de ses termes récurrents).
Francis Sicard remet le sonnet à l’honneur.
Francis Sicard cisèle ses sonnets comme un orfèvre.
Les cent vingt-et-un sonnets de ce recueil ont tous exactement la même forme, exactement la même composition, exactement le même rythme.
Chaque quatrain est une phrase, unique, finie par un point.
Chaque tercet est une phrase, unique, finie par un point.
Poésie monotone ?
Non point !
Poésie métronome ?
Oui-da !
D’ailleurs le titre d’un des sonnets y fait explicitement référence, comme une sorte d’indice métalinguistique : Métronome en maraude
Métronome qui produit une cadence particulière du premier quatrain au dernier tercet du recueil.
Le titre donne donc le dessein de l’auteur, la définition de l’ouvrage : ces cent vingt-et-un sonnets sont composés comme des vitraux précieux.
Combien de jours, combien de nuits a-t-il fallu à Francis Sicard pour forger (un autre de ses mots fétiches) ces ferronneries d’art ?
Le premier mot du titre, vitraux, est en résonance parfaite avec un champ lexical qui traverse le recueil de part en part en un réseau obsédant, celui de l’espace sacré (espace poétique), de la cathédrale (celle, immense et infinie, de la pensée du poète). Ainsi on rencontrera avec une fréquence qui, évidemment, fait sens :
– le champ de l’architecture sacrée : vitrail/vitraux, cloche, clocher, clocheton, minaret, temple, abbatiale, cloître, couvent, parloir, campanile, voûte, pilier, oratoire, autel, nef, marbre, pierre
– le champ des objets et accessoires sacrés : encensoir, missel, chapelet, orgue, santon, bougie, chandelle, cierge, cire, tronc, ciboire, croix, suaire
– le champ des officiants des espaces sacrés : prélat, prêtre, augustin
– le champ des actes sacrés: offrande, hostie, culte
– le champ de diverses références à l’histoire religieuse : castrat, templier, tocsin, médiéval, déesse
– le champ du lexique lié aux espaces religieux : silence, écho, velours, ors
Le deuxième mot du titre, songes, qui vient syntaxiquement en complément du premier, détermine l’état dans lequel est le poète lorsque lui apparaissent les vitraux à forger, au cours de songes, comme des illuminations divines, ou des visions prophétiques.
Parfois l’espace sacré est celui de la nature (réminiscence des Correspondances baudelairiennes ?). Alors les futaies sont les piliers du temple, la voûte est étoilée, les chandelles sont remplacées par destorches. Les vitraux, qu’ils soient d’église ou de frondaison, permettent un jeu incessant de reflets et de couleurs, parmi lesquelles reviennent le rouge, le sang, l’or, ou, par association, la grenade, le miel et les correspondances avec les parfums.
Aux architectures sacrées se substituent régulièrement des constructions qui sont tout autant des lieux clos de grandes dimensions : manoir, château, palais, ce dernier bâtiment pouvant être oriental, exotique, avec des eunuques et des babouches…
Le minéral est systématiquement présent sous l’apparence de pierres, de cristaux, d’émail, de perles, de verre, de faïence. Ces éléments surgissent récuremment, de façon surprenante, dans un champ sémantique d’éclatement, de brisure, avec les substantifs bris, morceau, éclat, écailles, suggérant peut-être (connotations positives) que le poète perçoit dans ses songes les éléments épars qu’il rassemblera pour forger, pour ciseler, ou laissant entendre peut-être (connotations négatives) que l’œuvre est précaire, éphémère, en équilibre instable, destinée à se désagréger, hypothèse renforcée par les verbes déchirer, ronger, par la résurgence du mot cendre, par la répétition de puits et de trous, par celles, évoquant à la fois délicatesse et fragilité, de dentelles, paille, brins, feuilles, confettis,plumes, fumée, château de cartes, par l’apparition de funambule dans le titre d’un sonnet présentant le poète, et par le terme le plus itératif de l’ouvrage: la rouille.
Parmi les strophes les plus réussies, citons celle-ci, pour l’évocation de l’acte poétique :
En écrivant le temps sur une peau d’orange
Le poète inconnu verse une larme étrange
Sur un passé perdu dans le flot du soleil.
(Funambule en fumée)
Celle-ci, pour un beau jeu d’allitérations :
Des bûches de savon et des bouts de miroir
Brisant les brins de terre et les bruits du feuillage
Brûlent comme du sang que des perles de rage
Ajoutent aux bassins où sombre un tamanoir.
Et celle-ci, premier quatrain d’un sonnet en hommage au poète que fut Charles Trenet :
Au bout de chaque rue au balcon de la lune
Sa voix court sous l’écho d’un lointain échanson
Que le vent en riant brode d’une chanson
Pour égayer la mer d’une robe de dune.
Cent vingt-et-un vitraux propices aux songes poétiques !
Que dire de plus, sinon que cet ouvrage mérite d’être lu, relu, et siroté comme une infusion bénéfique à l’âme ?
Patryck Froissart